Spec Ops: The Line

Sauver le monde, tuer les méchants sur fond de musique symphonique, être balancé sur un autre conflit, répéter la chose ad nauseam… La futilité de la recette classique des FPS/TPS prend tout son sens après avoir joué à Spec Ops : The Line.

The Star-Spangled Banner.

Jeu sorti dans la plus grande indifférence au début de l’été, Spec Ops : The Line mérite pourtant qu’on s’y intéresse. Partant d’un pitch finalement assez bateau, un groupe de trois Delta Force envoyés dans une Dubaï ravagée par les tempêtes de sable pour retrouver la trace d’un 33ème régiment d’infanterie dont on n’a plus de nouvelles, le jeu sombre peu à peu dans l’horreur kafkaïenne d’un monde où la survie a pris le pas sur la vie. Nos trois américains (Martin Walker que l’on incarne, le lieutenant Adams et le Sergent Lugo, aux spécialisations complémentaires) abreuvés de tous les principes que l’on connait, vont devoir combattre à travers toute la ville pour parvenir à éliminer le colonel Konrad, chef du régiment perdu et grand méchant du jeu.

Dès les premiers pas difficiles dans le sable, la direction artistique du jeu saute aux yeux. Dubaï la magnifique s’est transformée en cité fantôme traversée par les tempêtes. Les quelques survivants ont établis des campements de fortune dans ces anciens symboles de la démesure de l’homme et se font des tentes avec des voiles de soie ou des poupées aux yeux en diamants comme autant de preuves de la folie passée du lieu. L’or noir n’a plus cours et c’est maintenant l’or bleu qui est au cœur de toutes les luttes dans la cité.

Dubaï ravagée

Jacobs’ Ladder

Si je ne suis jamais allé à Dubaï et ne peut donc vérifier l’exactitude des lieux traversés, force est de constater que le jeu bénéficie d’une ambiance de fin du monde extraordinaire. Au fur et à mesure de l’aventure ou plutôt de la descente aux enfers, le trio s’embourbera dans des lieux de plus en plus sinistres, comme autant de reflets des horreurs que Walker, Adams et Lugo auront à affronter. C’est d’ailleurs toute la force du jeu, incarner le même soldat, s’identifier à lui à travers les dialogues avec ses coéquipiers, son état physique qui se dégrade (on retrouve le même système que dans les Batman) comme un reflet de son état mental, oscillant en permanence sur le fil séparant lucidité et folie.

Car le jeu aborde des thèmes, qui s’ils ne sont pas forcément nouveaux, ont le mérite de faire réfléchir. Ils incitent d’ailleurs à s’interroger plus profondément sur la pratique du joueur et sur les idéologies véhiculées par ce type de jeu vidéo (à mon avis d’une manière bien plus efficace qu’un Far Cry 3). Les comparaisons avec Apocalypse Now sont évidentes tant le propos est proche, mais le fait d’y participer activement apporte une nouvelle force à la démonstration. Mention spéciale d’ailleurs à la bande originale qui se paye le luxe de balancer du Bjork, Deep Purple ou bien Jimmy Hendrix pour nous accompagner dans nos tueries. Petit bémol,Spec Ops The Line s’autorise tout de même quelques malhonnêtetés dans son scénario qui font un peu grincer des dents. Certains passages clés sont obligatoires et la possibilité de faire des choix est au final (comme dans de nombreux jeux) illusoire.

Jusqu’où peut-on aller?

Battle Los Angeles

Malheureusement tout n’est pas rose aux émirats arabes unis. Car si le scénario et l’ambiance méritent vraiment le coup d’œil, la partie jeu quant à elle est beaucoup plus convenue. On retrouve un TPS basique avec un système de couverture assez pataud. Les situations sont somme toute assez répétitives, à base d’arènes à vider avant de pouvoir avancer. Les possibilités d’interagir avec le décor, si elles sont rafraichissantes, restent assez limitées. Bon point par contre pour nos deux coéquipiers, pour une fois efficaces lorsque l’on leur désigne une cible à abattre. Par contre la stratégie s’arrête là, puisqu’il n’y a aucune possibilité de mettre en place des contournements ou des tirs de couverture. Si la plupart des ennemis peuvent être abattus d’un headshot ou de quelques balles, on retrouvera quand même les traditionnels soldats lourds qui peuvent survivre à une roquette antichar (et là la suspension of disbelief en prend un méchant coup). Le jeu en lui-même est assez court -steam me dit 7h en difficile- et c’est tant mieux, vu qu’à certains moments (en gros le milieu du jeu) la lassitude pointe parfois le bout de son nez, tant certaines situations sont vues et revues. Le multijoueur est quant à lui anecdotique, pièce rajoutée sans aucun intérêt à un jeu qui se suffisait à lui même.

Félicitations, voici votre tableau de chasse.
Spec Ops The Line est de ces jeux qui n’auront sans doute jamais de succès autre que celui de l’estime. Pourtant la profondeur de son scénario, l’ambiance, les thèmes abordés et les questionnements provoqués tant sur le jeu que sur le joueur méritent qu’on passe outre son gameplay convenu et un peu pataud. A découvrir sans hésiter à petit prix.

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