Conf Apple – Part 1: iPhone 6s / 6s Plus

(par Julien / LordK)

Apple va mourir ! Nope, n’en déplaise aux analystes financiers de la blogosphère, ce n’est pas encore pour tout de suite. Le refrain, chanté gaiement après chaque keynote, a plutôt l’air de donner des ailes à Apple qui devient de plus en plus riche chaque année avec ses produits. Et hier soir, le père Cook avait décidé d’en amener un paquet.

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Pour ceux qui n’ont pas suivi, la keynote de rentrée a été l’occasion de découvrir un iPad Pro, une Apple TV de 3e génération, des bracelets pour l’Apple Watch, un iPad Mini de quatrième génération et bien entendu, le clou du spectacle, un duo d’iPhone : le 6S et le 6S Plus. Ceux qui rêvaient d’un retour au format 4 pouces haut de gamme vont devoir se faire aux iPhone plus grands, car Apple n’a pas l’air de vouloir occuper à nouveau le créneau. D’ailleurs, le très mignon 5C laisse sa place au 5S dans l’entrée de gamme et disparaît de la boutique.
iPhone 3D

Cette conférence, qui a duré des plombes, a fait mijoter le public pendant une bonne heure et demie avant de passer à l’iPhone. C’est donc par lui qu’on va commencer. La génération 6S est, comme toutes les générations précédentes, la meilleure que la Terre ait jamais portée. Les équipes marketing de Cook ont même choisi d’en faire la baseline de la communication : « Une seule chose a changé : tout ». Malin, car en apparence, le 6S est une copie conforme du 6 et seul la couleur « Or rose » pourrait distinguer visuellement un appareil de cette année et un de l’année dernière.

Si tout a changé, l’énorme avancée en terme d’usage se situe au niveau de l’écran tactile. Apple nous a rappelé à quel point ils avaient changé le monde en introduisant les écrans capacitifs multi-touch sur le marché, à une époque où tous les constructeurs préféraient les écrans résistifs pour leur compatibilité avec un stylet. Steve Jobs n’en voulait pas et toute l’industrie a suivi tant l’ergonomie a été modifiée. Aujourd’hui, Apple a voulu aller plus loin avec ce qu’ils ont nommé « 3D Touch ». Pour faire simple, c’est une technologie hardware, placée sous la vitre tactile de l’appareil, qui lui permet de détecter plusieurs niveaux de pression sur la dalle.

Les démonstrations avec iOS 9 et les applications systèmes ont été nombreuses : un appui long sur une icône permet d’ouvrir un menu déroulant pour lancer des fonctionnalités tierces. L’appareil photo peut par exemple se lancer directement en « selfie mode », idéal pour… bref, vous savez quoi. Dans votre messagerie, appuyer un peu plus fort sur un mail permettra de faire apparaitre une preview du contenu : relâchez la pression si ce n’est pas celui auquel vous pensiez, appuyez encore plus fort si vous souhaitez y accéder pour y répondre.

Clic droit ?

Dans le camp des détracteurs, on craint qu’Apple ait inventé le clic droit sur iPhone. Pour les designers d’UI et d’UX, c’est un massacre dont la civilisation ne se relèvera pas : on ouvre la porte à des dizaines de fonctionnalités cachées qui ne sont pas immédiatement visibles par l’utilisateur. L’immédiateté de l’accès aux fonctionnalités a servi le triomphe des applications mobiles et 3D Touch semble ouvrir une porte qu’on aurait aimé ne jamais emprunter. Faudra-t-il tester chaque bouton d’une interface avec plusieurs niveaux de pression pour découvrir toutes les possibilités d’une application ?

Tout dépendra, en fait, du caractère intuitif du système. Apple a très souvent réussi dans un domaine où beaucoup échouent, qui est celui de savoir prévoir ce que veut l’utilisateur. Cela passe par des détails infimes (la hitbox des touches du clavier, la sensibilité des swipes…) qui rendent l’expérience globale extrêmement plaisante sans qu’on sache vraiment pourquoi. Si Apple a trouvé un nouveau moyen d’interagir avec un smartphone qui entre dans cette philosophie, alors le système devra faire en sorte que ces interactions cachées soient placées exactement où l’utilisateur les cherche. Il faudra que l’appui long devienne, en quelque sorte, un comportement naturel pour aller vers une catégorie d’options qui, dans notre esprit, ne pouvait que se trouver là.

Ce cahier des charges rempli, alors oui, nous pourrions avoir vu hier le premier pas vers un des avenirs possibles de la technologie. Car n’en doutez pas une seconde, si l’expérience change la manière dont on conçoit les interactions avec une dalle tactile, tous les constructeurs vont ajouter cela à leur smartphone dans les années qui viennent, puis aux tablettes, puis aux ordinateurs convertibles, puis aux panneaux de contrôle des machines à laver. Et dans une décennie, on se trouvera bien incapables d’utiliser un smartphone sur lequel on ne peut pas appuyer « en profondeur ».

Le reste de l’iPhone 6S est globalement impressionnant, de l’appareil photo 4K à la caméra frontale, en passant par les nouveaux CPU et GPU, mais vous retrouverez tous ces détails sur le site d’Apple. Deux petites choses sont pourtant à noter avant de conclure sur l’iPhone et qui permettent de l’affirmer une deuxième fois en un article : non, Apple ne va pas mourir.

Netflix Phone

La première est un poil scandaleuse : en 2015, l’iPhone 6S de base coûte 749 euros, soit plus d’un demi SMIC et est toujours vendu avec 16 Go de stockage non extensible. Avec des vidéos 4K, des photos qui s’animent, toujours un écran Retina, des jeux et des apps de plus en plus lourds, un tel modèle ne devrait plus exister. Et le pire, c’est qu’Apple le sait : pour « seulement » 100 euros de plus, vous passez à 64 Go et non plus à 32. Alors oui, on a la claire impression d’un foutage de gueule avec ce modèle entrée de gamme. Et Apple enfonce le clou en essayant de faire passer la pilule : les abonnements iCloud sont moins chers ! Awesome ! Lisez plutôt : si vous prenez l’iPhone le moins cher, on vous propose de payer plus cher sur la durée pour un service qui reste franchement perfectible (coucou les doublons, disparitions de contenu et autres joyeusetés).

Et le côté « si c’est trop cher abonnez-vous » a enfanté un concept plutôt machiavélique dans les esprits des équipes business development de Cupertino. Aux États-Unis, Apple a lancé une offre d’abonnement à… l’iPhone. Pour 32 dollars par mois pour le modèle 16 Go, vous pourrez vous abonner à un service proposé par Apple qui, chaque année, va vous prêter le dernier iPhone sorti. Vous aurez donc l’iPhone 6S et l’iPhone 7 pour 768 dollars sur deux ans. Pour ceux qui achetaient déjà un iPhone tous les ans, le calcul est avantageux, puisqu’il revient à peu près à ce qu’ils auraient payé en vendant celui de la génération précédente sans avoir besoin de trouver un acheteur.

Mais là où cela devient tout aussi intéressant pour Apple, c’est que l’iPhone n’a pas été acheté si le contrat est renouvelé au bout de 12 mois pour obtenir le suivant. Le client n’a pas l’objet en payant : il a un abonnement à l’objet qui se renouvelle tous les ans, pour deux ans. C’est une excellente manière d’avoir des revenus réguliers et garantis, de garder dans son écurie les fans qui seraient tentés par la concurrence mais surtout, ce qu’Apple s’est bien gardé de dire, de convertir au renouvellement annuel des gens qui ne le faisaient pas.

Eh oui, peut-être gardez-vous votre iPhone 3, 4, voire 5 ans, jusqu’à ce que le suivi d’Apple soit complètement arrêté. Si vous avez encore un iPhone 4S acheté plein pot lors de la sortie, vous n’avez donné que 175 euros par an à Apple. Avec l’abonnement premium, vous en donnerez le double en croyant payer moins cher. Et si Karl Marx écrivait pour Bloomberg Business, il aurait sûrement conclu sa review par un : « Vous voyez, je vous l’avais dit, toute la richesse se concentre aujourd’hui toujours plus dans les mains des plus riches : même vous, classe moyenne, qui avait naguère le luxe d’accéder à la propriété matérielle, ne possédez même plus votre iPhone ! ». Il aurait tort : oui, le client de l’upgrade program peut posséder son iPhone… s’il ne renouvelle pas son abonnement. Et paie donc un iPhone à 649 dollars, la modique somme de 768 dollars.

Avec ces deux « amazing features », Apple a donc montré qu’il savait encore convertir une baisse de marge en toujours plus de marge et gageons que les résultats financiers de cette année traverseront encore les plafonds célestes dont toutes les compagnies rêvent. Et vu la qualité des produits, on aurait du mal à leur souhaiter autre chose. Malgré tout.

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