Elon Musk et l’ITS : sur Mars, et ça repart !

Vous n’avez pas pu passer à côté de l’info : Elon Musk, le Tony Stark de la vraie vie, veut coloniser la planète Mars. Et si possible, assez vite, d’ici une centaine d’années maximum. Pour étayer ce fantasme, le magnat s’est fendu d’une présentation de son nouveau système de transport interplanétaire, ITS, lors du Congrès Astronautique International, qui se tient en ce moment à Guadalajara, au Mexique.

Avec l’ITS, Musk ambitionne de transformer les humains en espèce interplanétaire, avec comme objectif avoué de se prémunir d’une éventuelle extinction massive (si, par exemple, Ultron venait à lâcher une grosse météorite sur la Sokovie, mais d’autres scénarios plus réalistes sont possibles). Et quoi de mieux pour éviter de voir l’espèce humaine reléguée au rang des dinosaures que de s’installer sur plusieurs planètes, assurant ainsi nos chances de survie en cas de grosse cata sur l’une d’elles.

Et après analyse, la seule option viable, c’est Mars. Vénus est beaucoup trop chaude et souffre d’une pression trop forte, notre Lune manque de ressources, celles de Jupiter et Saturne sont trop loin… En revanche, Mars partage un grand nombre de caractéristiques avec notre planète natale, et notamment une température jusqu’à 20° à l’équateur en été, une gravité correspondant à 38% de la nôtre, ainsi que des journées de 24 heures et 40 minutes.

L’ITS, c’est quoi ?

Pour Musk, toute colonisation est impossible si le prix du billet vers Mars coûte 10 milliards de dollars (estimation à la louche du prix d’un tel voyage, tenant compte de la non existence aujourd’hui des technologies nécessaires pour le réaliser). Du coup, la seule possibilité, c’est de miser sur du matos réutilisable (une philosophie commune à tous les projets du monsieur). Comme avec les avions, finalement : on ne fait pas voler un Boeing 737 qu’une seule fois, le rendement ne serait pas vraiment optimal.

Et ça tombe bien : dans son projet d’ITS, tout est intégralement réutilisable : le booster, les tankers et le vaisseau peuvent retourner sur Terre et, après remise à neuf, servir pour d’autres escapades. Le coût de lancement s’en trouve donc considérablement réduit, descendant à un « ridicule » 62 millions de dollars, en comptant l’entretien et le carburant (ridicule, comparé aux systèmes actuels, bien entendu).

ITS (échelle)Pour se rendre sur la planète rouge, six lancements seront nécessaires : un premier pour le vaisseau, et cinq pour les tankers, des vaisseaux non habités, complètement automatisés et capables de faire du ravitaillement en carburant sans assistance humaine, un peu à la manière de l’ATV qui peut se docker de manière autonome à l’ISS.

Petit détail intéressant : la plupart des parties qui composent l’ITS sont imprimées en 3D (sans doute pour offrir par la suite la possibilité de fabriquer facilement des pièces de rechange une fois à destination) et utilisent de la fibre de carbone, plutôt que de l’aluminium comme dans l’actuel Falcon.

Le booster

Il est énorme, et dispose d’une poussée au sol équivalent à trois fois celle de la fusée Saturn V. Il peut mettre 550 tonnes en orbite dans sa version « extensible », et 300 tonnes en version « retour au site de lancement » (à titre de comparaison, l’International Space Station pèse 417 tonnes). Petite particularité : le booster ne dispose pas de train d’atterrissage, et doit donc se poser directement dans son pad.

Les moteurs

L’ITS en dénombre 9 sur le tanker et le vaisseau, six pour la propulsion dans le vide et trois pour l’atterrissage, ainsi que 42 moteurs « Raptor » sur le booster, fonctionnant au méthane et à l’oxygène liquide. Un véritable monstre si l’on en croit ses caractéristiques.

Alors, pourquoi du méthane ? Tout simplement parce que c’est un compromis et un des seuls carburants capables d’être produit facilement sur Mars, ce qui peut s’avérer pratique si on espère un voyage retour. Le moteur en lui même st un poil plus complexe, mais le fait d’avoir opté pour un mélange méthane/oxygène liquide permet de simplifier grandement toutes les autres parties de la fusée, notamment les réservoirs (qui étaient, rappelons-le, les principaux suspects dans les deux explosions du Falcon).

Le vaisseau

Basé sur une légère hybridation entre navette et capsule (coté asymétrique à l’endroit des tuiles de protection), il pourra, dans sa version finale, transporter jusqu’à 100 personnes vers Mars. Le temps de voyage estimé se situe entre 90 et 150 jours, suivant les positions orbitales des deux planètes, soit approximativement deux fois plus rapide que les propositions faites par la NASA. Une durée raccourcie principalement grâce à la poussée monstrueuse dont bénéficie l’ITS.

ITSEn outre, l’engin est techniquement capable d’atterrir à n’importe quel endroit du système solaire, et d’y repartir à vide. C’est techniquement un SSTO, un Single-Stage-To-Orbit, c’est à dire un lanceur orbital monoétage, capable de quitter la surface d’une planète pour son orbite sans avoir besoin d’étages propulsifs au cours de son ascension.

Déroulement d’un voyage

On lance d’abord le vaisseau avec le booster, pour qu’il attende ensuite en orbite terrestre. Le booster retourne directement au site de lancement, dans ce qu’on appelle des « landing clamps » (des étaux d’atterrissage), ce qui représente en soi une jolie prouesse technique : le booster n’ayant pas de train pour atterrir, il a intérêt à ne pas louper sa cible.

On prépare ensuite un tanker (réservoir) via la grue de chargement et on l’envoie dans les airs de la même manière que le vaisseau. On renouvelle cette opération quatre fois, les cinq tankers ainsi en orbite vont permettre de recharger le vaisseau, qui partira ensuite pour Mars où il déposera matériel et personnel, refera le plein grâce à l’ISRU (le « In Site Resource Utilisation », en utilisant les ressources locales donc), pour repartir ensuite vers la Terre.

Quelques notes sur le voyage :

  • Au début, il n’y aura pas 100 colons, mais plutôt une dizaine de personnes, capables de monter les infrastructures de soutien (pour le vaisseau, et pour la vie sur place, les fameuses ISRU dont on parlait plus haut). L’espace cargo sera donc maximisé.
  • Les premiers vols sont prévus autour de 2023. Mais bon, Musk, on le sait, c’est un peu le Molyneux des dates…
  • Coût estimé d’un aller-retour : 200.000 $
  • Coût estimé du transport d’une tonne vers Mars : 140.000 $
  • Sur la fin du processus de colonisation, Musk souhaite envoyer un millier de vaisseaux simultanément, sur une période de cent ans.
  • SpaceX veut profiter de toutes les opportunités de lancement (soit tous les 26 mois) et envoyer une salve de nouveaux colons chaque fois que les planètes seront en phase à partir de 2018. D’abord le projet Red Dragon jusqu’en 2022, qui permettra de valider les technologies de rétropropulsion et l’ISRU, puis l’ITS.
  • A priori, il ne sera pas nécessaire de s’imposer un gros entraînement pour le voyage, en tous cas en ce qui concerne les futurs colons. Pour les premières expéditions, il s’agira plus que probablement de spécialistes bien rodés.

Tout ça c’est bien joli mais…

Autant je ne m’inquiète pas de trop pour la partie technique (les gars de SpaceX ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient capable de réaliser les promesses faites dans la présentation), autant le reste me fait un peu peur…

  • 100 colons, ça fait 10m3 par personne, soit l’espace d’une petite camionnette. Pour un voyage de 90 jours minimum. Quel sera l’impact psychologique ? Pour le moment, pas un mot sur le sujet.
  • Le projet complet coûte dans les 10 milliards de dollars. Faire collaborer plusieurs nations ensemble sur ce genre de chantier n’est pas une sinécure. C’est faisable (l’ISS l’a prouvé), mais ça reste compliqué. Surtout que ce n’est certainement pas la priorité pour la plupart des pays impliqués (on parle tout de même de dépenser les deniers du contribuable là).
  • Les technologies de recyclage existent, mais ne sont pas (encore) parfaites. L’ISS, par exemple, a toujours besoin de ravitaillement. L’ISRU peut fournir de l’eau (en chauffant le régolithe martien), de l’oxygène (via électrolyse de l’eau) et de l’hydrogène (composante pour le carburant), mais quid de la nourriture en elle-même ? J’espère que les futurs martiens aiment les patates.
  • Musk ne fournit que le transport. C’est à ses « clients » de choisir le type de contenu (cargo ou passagers). S’il n’a pas de clients prêts à payer le ticket d’entrée, tout le projet tombe à l’eau.
  • Pas de vrai « Launch Abort System » sur le vaisseau. Il n’y en avait pas vraiment sur le shuttle non plus, donc c’est kif-kif : si le booster explose, tout le monde meurt. Voilà, voilà…
  • Beaucoup de risques vont être pris sur les premiers vols, on pourrait clairement comparer ça à l’expédition de Christophe Colomb. Je pressens des nuits blanches pour les responsables de la communication.

Et demain ?

Avec des dépôts de carburant sur la route, un système comme l’ITS pourrait théoriquement s’envoler vers des destinations plus éloignées, comme Pluton. Mais n’allons pas trop vite en besogne. On va déjà voir si on arrive à se poser sur Mars et à y fonder une nouvelle société. C’est déjà un beau rêve qui, d’ici à ce qu’il se concrétise, laisse encore bien le temps de fantasmer sur des voyages beaucoup plus lointains.

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