Amiga : l’ordinateur qui ne voulait pas mourir

Attention, cet article suinte la nostalgie, à manipuler avec précaution ! Nous allons y parler émulation, documentaire(s) et passion. Car contre vent et marée, l’Amiga continue de fédérer autour de lui une activité hors norme pour une plate-forme dont le premier cri remonte à 1985, et le dernier râle d’agonie à 1996, avec l’arrêt de la production des machines officielles. Depuis, des sociétés et des fans de tout bord continuent de faire vivre ce nom mythique de la micro-informatique moderne. Certains font évoluer AmigaOS, d’autres s’acharnent à vouloir sortir des machines “compatibles” modernisées, mais les plus pragmatiques se contentent de souffler sur les cendres des machines de Commodore, en racontant l’histoire de leur création ou en prenant soin de garder leur logithèque accessible grâce à la magie de l’émulation. C’est cette frange “raisonnable” de passionnés qui nous intéresse aujourd’hui.

A500 Full Setup

L’Amiga aura marqué les années 80 et le début des années 90 comme aucune autre machine. L’Amiga 1000 de 1985 était le premier ordinateur multitâche de la planète, un concept révolutionnaire pour l’époque. Mais l’idée de ce papier n’est pas de paraphraser l’excellente page Wikipedia linkée plus haut, mais de faire le tour des projets qui bougent encore autour de cette machine, pour renseigner tous ceux qui gardent un oeil sur la marque, par nostalgie ou simple curiosité. Si vous êtes sages, je ferai l’effort de vous scanner ma première interview “ever” : c’était avec RJ Mical, le créateur de l’interface graphique d’AmigaOS (Intuition), en aout 1994… Surveillez les commentaires ! Et pour ceux qui veulent vraiment tout connaitre de l’histoire de cette machine, il ne faut pas rater “History Of The Amiga”, chez Ars Technica, qui résume dans sa première partie, en une phrase, le drame de cette machine :

The Amiga computer was a dream given form: an inexpensive, fast, flexible multimedia computer that could do virtually anything. It handled graphics, sound, and video as easily as other computers of its time manipulated plain text. It was easily ten years ahead of its time. It was everything its designers imagined it could be, except for one crucial problem: the world was essentially unaware of its existence.

(L’Amiga était la matérialisation d’un rêve : un ordinateur multimédia flexible, rapide et peu coûteux qui pouvait faire pratiquement n’importe quoi. Il manipulait graphismes, sons et vidéo aussi facilement que d’autres ordinateurs de son temps manipulaient du texte brut. Il avait facilement dix ans d’avance. Il était tout ce que ses concepteurs avaient imaginé, à un détail près : le monde n’avait aucune idée de son existence.)

Les documentaires

Ce problème de communication, allié à l’incompétence et – disons-le – la malhonnêteté de certains dirigeants de chez Commodore, brisera tout rêve d’imposer l’Amiga comme une alternative durable aux IBM PC et autres Macintosh. Cette épopée est maintenant retracée dans un documentaire qui doit son existence à Kickstarter. “Viva Amiga: The Story Of A Beautiful Machine” contient des interviews des ingénieurs de l’époque et est disponible sur pratiquement toutes les plates-formes de streaming du marché.

Est-ce qu’il vaut son prix et les pratiquement six ans passés à l’attendre ? Oui et non. Si le fan sera comblé par les interviews et baigné dans une douce nostalgie, il râlera sur la durée assez limitée du documentaire, qui dépasse à peine une heure. Le grand public aura de son côté parfois du mal à rester intéressé, surtout dans la deuxième partie. En comparaison, les 2h32 de “From Bedrooms To Billions: The Amiga Years” sont bien plus satisfaisantes, mais l’angle n’est évidemment pas le même, avec un focus sur l’impact incroyable de cette machine sur le marché du jeu vidéo. Son développement est tout de même très largement abordé. Pour le fan, les deux sont indispensables de toute façon !

Amiga, émulation et copyright

L’émulation Amiga pourrait être d’une simplicité enfantine, mais malheureusement, elle se heurte aux problèmes classiques des droits sur les ROMs. D’une manière encore plus grave que d’habitude, puisque l’Amiga – ou ce qu’il en reste – est toujours exploité commercialement par plusieurs sociétés, qui vendent émulateurs, système d’exploitation et hardware (oui, 2 300 euros en moyenne pour “ça”, no comment). La plus connue est Cloanto, avec son pack d’émulation commerciale Amiga Forever, qui est justement la source la plus officielle possible pour récupérer les ROMs et disquettes virtuelles (généralement au format .adf) qui permettent d’installer AmigaOS 1.3 ou la dernière mouture époque Commodore, la version 3.1. Une autre ruse consiste à les extraire de la version Android du même éditeur, qui a l’avantage de couter moins de deux euros. Évidemment, Internet étant ce qu’il est, toute personne avec deux neurones fonctionnels trouvera facilement via son moteur de recherche préféré des ROMs et Kickstart “tombés du camion” en trempant sa souris dans quelques sites louches, mais ça permet de comprendre pourquoi même les packs d’émulation les plus complets ne peuvent pas incorporer ces éléments indispensables à leur bon fonctionnement. Ce point éclairci, voyons justement ce qu’il est possible d’installer pour revivre les frissons d’un OS dépassé et de jeux magnifiques uniquement dans ma mémoire.

AmigaForever

Deux émulateurs Amiga sous Windows : AmigaOS 1.3 et son Workbench bleu et orange et l’autre en AmigaOS 3.1, passé à un gris plus sobre (Amiga Forever)

WinUAE & friends

L’émulateur le plus connu du marché se nomme WinUAE et tourne comme son nom l’indique sous Windows. Cette perle doit son existence à des travaux commencés en 1995 sur UAE (the Unusable Amiga Emulator, c’est dire si ça marchait bien à l’époque). On peut de nos jours émuler aussi bien l’Amiga 1000 de 1985, qu’un Amiga 4000 boosté à coup de cartes graphiques ou réseau. De quoi refaire les configs de mon enfance (A500 et disque dur de 52 Mo, wooo !) comme celle que j’avais à la fin des années 90 (A4000, carte Cybervision 64/3D, carte accélératrice Cyberstorm, etc.), la grande classe. Évidemment, ça reste parfois capricieux ! Les deux autres émulateurs intéressants sont FS-UAE qui est orienté gaming et jeu online (si si), capable de tourner sous Windows, macOS et Linux et enfin UAE4ALL, un portage plus basique dédié aux machines plus faiblardes côté puissance (Sony Vita, Raspberry Pi, etc.). Avec ces softs, il est possible de faire tourner assez facilement les jeux de l’époque Amiga 500 / 1200, ce qui est généralement le but recherché, sauf pour les plus nerds dans mon genre, qui veulent se refaire un système d’exploitation Amiga complet, comme on ferait tourner un Linux dans une machine virtuelle VMWare ! La nostalgie fait faire des choses stupides, soyez prévenus…

FS-UAE - Amiga Emulator

L’émulateur Amiga FS-UAE annonce la couleur : on est là pour jouer !

Les packs “ready to play”

AmiKit Installation

Il ne plaisante pas : 35000 fichiers à installer, c’est long !

Si on met de côté le très officiel Amiga Forever, le plus impressionnant des packs pour obtenir un bureau AmigaOS fonctionnel est AmiKit (site officiel), un projet donationware qui pousse le luxe jusqu’à faire des updates automatiques de votre installation Amiga et intègre des softs exclusifs pour rendre l’OS plus agréable à utiliser. Ce projet a plus de 11 ans, c’est tout simplement bluffant. Son seul défaut est de vouloir tellement en faire que je ne peux que vous conseiller d’esquiver les “bureaux alternatifs”, qui sont vraiment en bêta et logiquement très peu stables. J’ai également réussi à planter très vite le navigateur qui n’a pas aimé un site avec un PNG un peu bizarre. Et je doute que votre idée du fun soit d’aller bidouiller des fichiers de configuration et nettoyer des datas temporaire avec AmigaShell (l’équivalent du terminal Linux).

AmiKit HD

HD (pour de l’Amiga…), icônes et interface modernisés, AmiKit ne néglige rien.

L’autre option s’appelle Classic Workbench, Workbench étant le nom du bureau AmigaOS. À la base destinés aux vraies machines de Commodore, ces packs existent aussi maintenant pour vos émulateurs, et intègrent même une version avec gestion d’une carte graphique Picasso 96. À vous la HD ! Ces packs préparent même le terrain pour la gestion des collections complètes de jeux, modifiés pour s’exécuter à partir du disque dur via le projet WHDLoad (et son magnifique site). Oui, ça se trouve sur Internet, non, je ne vous donnerai pas de link !

ClassicWB

Classic Workbench en action, avec des softs classiques de l’époque.

Un Amiga dans la poche

Le plus amusant pour le bidouilleur nostalgique reste de faire tourner tout ça dans un Raspberry Pi 3. Les autres ne sont pas assez puissants pour bien en profiter. Pour vous éviter de tout installer à la main avec UAE4ALL (version UAE4ARM), vous pouvez opter pour deux packs différents à flasher sur votre SDCard. Je rappelle que pour ça, il vous faut un outil du genre SD Card Formatter pour un formatage parfait (sur Mac, Utilitaire Disque suffira, choisissez simplement MS-DOS (FAT) dans les options) puis Win32DiskImager pour flasher l’image que vous avez téléchargé sur la SD fraichement formatée. Sur Mac, vous pouvez opter pour Apple-Pie Baker pour ce job.

AmiPup

À l’opposé des installations RPi, certains font fonctionner AmiKit sous Linux, avec une bidouille pour pouvoir lancer les softs Linux DANS AmigaOS. Why not…

La distribution la plus optimisée (moins de 300 Mo) se nomme Amibian. Elle est très efficace et permet de faire tourner les jeux Amiga 500 / Amiga 1200 très facilement. La doc est très simple, mais en cas de problème, posez vos questions en commentaires dans le forum. Si vous parlez anglais, cette vidéo est également pratique :

L’autre option se nomme Happiga et nous vient de France ! Plus lourd, ce pack est en fait une version Amiga d’un projet similaire (mais antérieur) à Recalbox, nommé HAPPI Game Center. Son auteur, Erwan Jestin, s’occupe des deux et le résultat est tout à fait probant. Ça vous fait au passage une option de plus si notre tuto RPi est trop complexe pour vous !

Comble du luxe, vous pourrez même trouver les boitiers les plus classes de la terre pour votre nouveau jouet, à imprimer en 3D. Les plus aventureux pourront même se monter un portable Amiga !

Amiga Pi

Le boitier RPi ultime pour le fan d’Amiga. J’avoue, là c’est la classe.

Je pense que vous avez assez liens pour vous amuser plusieurs mois à tout tester ! N’hésitez pas à partager vos expériences sur le forum et à poser vos questions si ça ne fonctionne pas comme prévu. Si vous avez lu ça en vous disant “mais quelle bande de tarés”, d’une part vous n’avez pas totalement tort, mais d’autre part, sachez que cette pathologie peut être plus grave. J’en connais qui en sont encore à coder sur Commodore 64 (Rez est de ceux-là, on avait également parlé de son desktop de h4ck3r) et d’autres fabriquent de nouveaux boitiers pour leurs machines adorées. La passion ne connait pas de limites, et finalement, c’est aussi ce qui fait avancer l’informatique, qui ne se résume pas (encore) à installer une app sur son smartphone depuis un store verrouillé !


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