Vous n’avez pas vraiment envie de bosser. Oh non. Détendez-vous, prenez un - insérez votre boisson préférée ici - et lisez donc un des postes les plus longs de GeekZone depuis 2002. On y parle de Nintendo DS, de développeurs indépendants français et les gentils gagnent à la fin. Que du bonheur.
La genèse
En 2006, on trouve encore des passionnés qui misent leur chemise pour créer des jeux vidéo. Des fous qui veulent rester fidèles à une philosophie qui est née en même temps que les premiers titres ludiques sur Apple II : le développement « garage ». Un esprit de création, qui perdure chez les développeurs indépendants qui font leurs jeux pour le fun, mais que l’on retrouve plus que rarement chez les personnes qui comptent bien vivre de leurs travaux. Loin des séries à rallonge des gros éditeurs, le développement garage des années 2000 n’a rien à voir avec celui des années 80. Il y a 20 ans (putain déjà…), c’était une obligation : rien n’existait, une poignée d’éditeurs se battaient en duel pour vendre cassettes et cartouches de jeu sur des ordinateurs distribués encore de manière confidentielle. L’argent manquait, personne ne voulant vraiment investir dans ce truc bizarre, « les jeux vidéo ». En 2006, le kiboufki mondial a déjà consolidé le marché. Il n’existe maintenant plus que quelques mastodontes - dont certains mal en point - qui contrôlent la production de toute la planète. Des entités nécessaires pour pouvoir investir les sommes colossales indispensables au façonnage de titres dont le contenu demande des années de travail à des équipes de plusieurs centaines de personnes. Quand on voit un Final Fantasy XII, on comprend vite que 4 mecs planqués dans un appart n’auraient pas pu réaliser un produit de cette ampleur. Mais l’écosystème du jeu vidéo est maintenant vaste et la culture de certains joueurs suffisamment riche pour apprécier un titre pour son gameplay et pas forcément parce qu’un bouton de porte a été modélisé par 20 gugusses pendant trois semaines. Sortant de l’anonymat grâce à Internet, utilisant également ce moyen de communication pour travailler et aller chercher des talents planqués dans des coins reculés, le développement « à l’ancienne », ce fameux garage modernisé, donne la possibilité de créer des titres en y prenant plaisir, en sortant du carcan industriel classique.
La preuve Made in France
(toutes les photos ici, changement de galerie for the lose )
10ème arrondissement de Paris, une arrière-cour, une porte verte… Derrière, un petit local un peu bordélique, des bureaux encombrés et des doigts qui s’agitent. Ces petits boudins de chair appartiennent à des gens totalement conscients de la charge de travail qu’ils ont eux-mêmes décidé de s’infliger. Une montagne de boulot qui aurait fait fuir n’importe quel salarié classique. À raison. Mais on parle ici de passionnés, de gens qui se sont lancés dans l’aventure de la création de leur propre entreprise (Arkedo), pour développer leurs jeux et faire ça sans personne (ou presque) sur le dos. Le tout avec une équipe dont le coeur ne dépasse pas 3 personnes. Oui, ils sont un peu tarés quand même, je vous l’accorde. Heureusement, pas tant que ça : le chef des fous, Camille, a mûrement pensé son projet. L’équation était pourtant compliquée : trouver en 2006 une idée simple, réalisable relativement facilement et sur une machine suffisamment répandue pour avoir une chance de vendre plus de 12 jeux à leurs familles respectives… Le choix de la plate-forme s’impose rapidement : ça sera la Nintendo DS.
Objectif : casser des briques
Reste à trouver un genre fédérateur, qui devra impérativement cartonner un peu pour faire connaître l’équipe et séduire un éditeur. Parce que développer dans son garage c’est rigolo, mais une fois en boite, terminé la déconne : il faut vendre le produit. Après avoir passé en revue les classiques du genre, un des plus vieux s’impose comme étant potentiellement modernisable sans qu’un gros soupir de « déjà-vouuus » (prononcez à l’américaine, merci) s’échappe du potentiel public. Ça sera donc un casse-brique. Un putain de casse de brique. Fallait y penser. Signe que la trentaine de doigts qui composent le coeur de la société sont bourrés de talents, même le titre du projet déchire : Nervous Brickdown. Bien vu messieurs.
Une histoire de fous
Avant de décortiquer un peu le jeu, parlons de l’équipe. Elle se compose donc du chef des fous, Camille, 32 ans et loin d’en être à son coup d’essai. Il était déjà fondateur et PDG d’Infraworlds (devenu ensuite Filao), une société de JV pour téléphones portables. Un concurrent de Gameloft. Aux graphismes, on trouve un phobique de la photo, Aurélien, 26 ans seulement et déjà un petit côté Pascal Sevran « je veux être certain que je suis beau sur la tof, stou ! ». Vu le talent, on peut vanner et après respecter. Il est fort le bougre. Au code, le doyen de la « core team », Eric, 36 ans et tous ses neurones : c’est lui qui fait en sorte que la DS vous impressionne. Et ça marche. Surtout quand on voit le décor de fond s’animer en 3D (le tout avec deux polygones et demi). La musique ? Y’en a. Plein. Et de la bonne, merci au duo Yubaba Smith and Fortune. Derrière ce nom de code que je m’abstiendrais de qualifier, se cachent les deux énergumènes chargés des bruitages et musiques. Ils font ça avec une classe indéniable. Fan d’électro-pop, allez donc jetez une oreille sur leur site. Je sais, passé le truc minimaliste violet, c’est du MySpace moisi, mais tant pis. On peut écouter quelques prods, et c’est l’essentiel. « Cocktail with Zamba »… Mmmm un morceau parfait pour écrire la nuit. Dernière recrue en date d’Arkedo, Maiwen, vient doubler (d’un coup d’un seul) la force de travail côté code et s’occupe de la partie multi. Si ça lag, ça sera de sa faute (pressiooooonnnn !)
Perd pas la boule
Passons rapidement sur le scénario (hin hin hin) parce que bon, Nervous Brickdown c’est surtout un casse-brique. La base est connue, classique. Versons une petite larme sur Arkanoïd au passage. NB commencera doucement, pour vous appâter. Et puis, c’est le drame. Comme son nom l’indique, tout est prévu pour vous faire craquer : 100 niveaux, 10 mondes différents (9 levels par monde et un bon vieux boss de fin), des bonus (plein) pour ceux qui terminent le jeu sans tuer de voisins. Tout est prévu pour que vos 10 minutes de détente finissent en crise de larmes. Pour rire, vous passerez même pour un abruti si vous jouez en public. Forcément, quand les gens vont vous voir souffler sur la DS pour chasser les fantômes qui ne craignent pas les billes, vous risquez de finir en cellule de dégrisement. C’est tout le charme de Nervous Brickdown : des idées simples, mais un traitement original qui accroche. J’ai hâte de voir les alcoolos des DS in Paris hurler à la mort en multi et pleurer du sang sur les niveaux qui vont tester les limites de leur coordination entamée par la bibine : deux casses-briques en simultané, un mini jeu de plates-formes sur l’écran du haut où il faudra éviter des bidules et des machines… Bon courage pour jouer bourré.
Hors de question de vous gâcher la surprise des différents mondes imaginés par l’équipe, mais chacun dispose de son univers, d’un esprit qui amusera les jeunes et jouera de la slap bass sur la corde de la nostalgie des vieux de la vieille. Techniquement, pas la peine de vous décrire la chose en long et en large : la galerie est pleine de photos, le trailer est déjà presque dispo (ndCaf : la version approuvée par Eidos se fait désirer en fait, désolé) et vous pouvez voir comme moi que c’est ultra soigné, varié et que ça bouge super bien. Tout ça pour un casse-briques. Impressionnant n’est-il pas ?
Une cartouche siouplé !
Mon côté inspecteur des travaux finis ne peut évidemment pas vous dire que ce titre sera parfait. Tout simplement parce que je n’en sais foutrement rien : je n’ai pas encore joué en tête à tête avec le bébé. Mais les chances de poutrage intégral de ce titre sont fantastiques. Mon petit doigt me susurre même que tout s’annonce très très bien pour Arkedo côté business. Mais au-delà de la qualité finale du produit et de son succès commercial, vous aurez compris dans ces (trop) nombreuses lignes que c’est l’aventure humaine et l’esprit du projet qui m’ont séduit. Camille se fera surement une joie de vous poster des news sur son bébé dans le thread que j’ouvre aujourd’hui avec cet article, et il sera encore mieux placé que moi pour vous parler des problèmes et des sacrifices qu’une petite équipe autofinancée telle que la sienne doit affronter. Mais il pourra aussi vous dire à quel point c’est une joie de bosser sur un projet dans lequel on croit, de s’y investir à fond, sans avoir à supporter les décisions imbéciles d’un management incompétent. Ce gameplay là, je le connais bien en revanche. Ça soulage tellement quand on appuie enfin sur OFF que ça vaut bien une prise de risque.