L’Europe n’aime pas la neutralité du Net

Alors que les États-Unis, après d’âpres et interminables débats, avaient finalement opté pour la Neutralité du Net, voilà que l’Europe décide une fois encore de prendre le contrepied du bon sens en établissant un Internet à deux vitesses, mais sans vraiment le dire.

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Parce que le pire, au delà des faits, c’est que la Commission essaie de vous enfumer. Déjà, en tentant de centrer le message sur le point positif de cette décision : l’abolition des frais de « roaming », histoire d’être sûr que le reste soit complètement ignoré par les médias grand public. Et ça marche.

Ensuite, en introduisant dans le texte des notions particulièrement floues, comme celle d’un « Internet ouvert » à « préserver », mais dont l’existence est de nature purement sémantique, visant surtout à créer l’illusion de ne pas toucher à la neutralité. « Ce ne sont pas ces droïdes que vous recherchez… »

Mais qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit bien d’autoriser la mise en place de services spécialisés (comprendre : non bridés) par les FAI, en fonction d’une notion assez curieuse, celle de priorité. En gros, si Free décide tout à coup que YouTube n’est pas un service prioritaire, il peut parfaitement se justifier d’en baisser les débits, tant qu’il propose à ses clients une manière de les débloquer. Curieuse, cette impression de déjà-vu.

Autre gros souci : la mise en place de ces nouvelles règles européennes va également consacrer l’avènement de la « connectivité sponsorisée », qui permet à certains opérateurs de ne pas facturer les données de tel ou tel service offert. Gros désavantage de facto donc pour les nouveaux services, qui n’ont pas les budgets pour décocher de tels accords, et verront donc leurs débits pénalisés. Renforcement des positions fortes, des monopoles à plusieurs, écrasement dans l’œuf de toute forme de nouvelle concurrence… Pas de doute, c’est bien un texte européen.

Bref, sous couvert de mieux nous servir, ce texte est tout simplement une honte et on sait bien à qui profite le crime (spoiler alert : pas à nous). Au final, tout ça démontre une fois encore à quel point les institutions politiques européennes sont 1° complètement déconnectées des réalités de l’époque et des besoins des citoyens, 2° gangrénées par un lobbying de plus en plus débridé qui ne fait même plus semblant.

Que faire si on souhaite manifester son désaccord ? Bah, je vais me permettre d’être un peu sec, mais vous arrivez un peu tard. Ça fait des mois que des associations comme La Quadrature du Net attirent votre attention sur les risques, et ça fait des mois que vous n’en bougez pas une, maintenant ça va être tendu.

Plus sérieusement, l’accord va devoir à présent être validé par le Parlement et le Conseil, avant d’entrer en application dès le mois d’avril 2016. S’il passe, la meilleure chose à faire sera alors de surveiller de très près sa mise en application dans nos pays respectifs, pour s’assurer que les zones d’ombres initiales soient converties en choses qui vont dans le sens d’une préservation de la neutralité. Mais vu la politique en ce moment chez nous, je ne me fais pas beaucoup d’illusions.

Enfin, au moins avec tout ça, on en paiera plus de sommes honteuses pour faire du roaming. Yay.

Source : Ars Technica.

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