La saga Marvel Studios, 5ème partie : Thor, le projet marteau

Maintenant que les trois premiers essais se sont avérés rentables et que les dollars commencent à affluer dans les caisses, Marvel s’attaque au lancement d’une franchise compliquée : celle du prince d’Asgard, fils d’Odin, Thor le tout-puissant. Une première incursion dans le pan « cosmique » des comics, avec laquelle le studio a tout à perdre. Ont-ils appris de leurs erreurs sur Iron Man 2 ? Quel suspense mes amis…

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Parmi la pléthore (sans mauvais jeu de mots) de personnages qui composent le lore des comics Marvel, Thor est sans conteste l’un des plus difficiles à transposer sur un écran avec des acteurs de chair et de sang. Les tentatives précédentes n’ont d’ailleurs pas été des plus mémorables. Qui se souvient d’Eric Kramer dans le téléfilm The Incredible Hulk Returns ? Des indices chez vous (cliquez pour vous faire peur).

Non, je vous l’accorde, ce n’était guère brillant. Le souci, c’est que le personnage est tellement grandiloquent et kitch qu’il est particulièrement difficile de l’imaginer autrement qu’en dessins colorés et phylactères emplies de tirades shakespeariennes. Mais les gens de Marvel n’ont pas le choix : ils ont besoin du personnage pour compléter le puzzle Avengers, et pour le faire découvrir au public, il lui faut un film d’introduction.

Loki n’en veut ?

Thor au cinéma, c’est un projet qui se refile telle une patate chaude de studio en studio depuis le début des années 90. Passé par les mains de Sam Raimi (et la Fox) en 91 puis David S. Goyer (et Sony) en 2004, il finira par revenir au bercail, chez Marvel Studios, en 2006, où la mise en chantier commencera illico.

On charge Mark Protosevich (I Am Legend) de bosser sur le scénario et pour ce faire, ce dernier s’inspire grandement des arcs de J. Michael Straczynski dans les comics. Bonne pioche quand on sait que le créateur de Babylon 5 a commis parmi les moments les plus sympathiques du dieu Asgardien. Il sera d’ailleurs finalement crédité comme co-scénariste du film et apparaitra en bref caméo dans le long métrage, aux côtés de papa Stan Lee (la scène où les mecs essaient de retirer Mjölnir de la pierre avec une camionette, c’était eux).

En août 2007, Marvel Studios recrute Matthew Vaughn (Kick-Ass) pour assurer non seulement la réalisation du film, mais également une réécriture du scénario de Protosevitch, jugé bien trop ambitieux à produire avec le budget imparti. Sa mission est quasi impossible : on lui demande concrètement, grâce uniquement à la magie de sa plume, de faire fondre les couts d’un faramineux 300 millions de dollars à un plus modeste 150 millions.

Vaughn jettera finalement l’éponge en mai 2008 et le film, qui devait à la base débouler dans les salles en 2010, se verra repoussé à juin 2011, puis décalé à mai pour éviter une trop grande proximité avec la sortie du premier long métrage sur Captain America. Une chose est sure : Marvel a appris de ses erreurs. Plus question ici de « rusher » la production coute que coute comme sur Iron Man 2, au risque d’y perdre des plumes. Thor est un projet casse-gueule, le studio le sait et il veut prendre le temps de faire les choses bien.

Retour à la case départ

Chris Hemsworth commentant l'élégance de la cravate de Kenneth Branagh.

Chris Hemsworth commentant l’élégance de la cravate de Kenneth Branagh.

En attendant, le film n’a plus de réalisateur, ce qui est fort ennuyeux, et le scénario est toujours dans un état qui est loin de satisfaire les pontes de Marvel. Pour s’occuper de la caméra, le studio approche d’abord Guillermo del Toro, qui déclinera assez vite, puis porte son choix sur Kenneth Branagh qui, ô surprise, se révèle être un fan fini des comics. Après Favreau et le couple Leterrier/Norton, encore un réal’ qui saura donc a priori de quoi il parle. Et puis Branagh est un grand spécialiste des drames shakespeariens, un univers qui sied parfaitement à une représentation cinématographique de la vie asgardienne, largement emprunte d’esprit médiéval.

Du côté de l’écriture, après un passage dans les mains du duo télé Ashley Edward Miller / Zack Stenz (qui ont tous les deux bossé sur Fringe et Terminator: The Sarah Connor Chronicles), le scénario aboutit chez Don Payne (Fantastic Four: Rise of the Silver Surfer, oui je sais, brrr) qui lui donnera a priori sa touche finale.

Il s’agit bien entendu d’une origin story, un film chargé de présenter le personnage de Thor au public, et d’établir comment il va être amené à rencontrer le reste des personnages jusqu’ici très terrestres du MCU : ses futurs potes Stark et Banner. Mais c’est aussi, à mon sens, l’introduction d’un personnage central au film The Avengers, celui qui officiera en tant que « big bad » dans le point d’orgue de cette première phase de films du MCU : Loki. Double enjeu donc, pour un projet qui n’est déjà pas sans risque.

Casting de luxe

Tom Hiddleston et Chris Hemsworth parcourant le tableau des résultats du casting.

Tom Hiddleston et Chris Hemsworth parcourant le tableau des résultats du casting.

Grâce à la présence de Kenneth Branagh en haut de l’organigramme, et probablement aussi vu la crédibilité acquise par Marvel Studios depuis ses débuts, les rôles secondaires ne sont pas très difficiles à choper. Anthony Hopkins, Natalie Portman, Rene Russo… Du beau monde, une fois de plus.

Le rôle de Thor est plus problématique. A la base, Marvel voulait Daniel Craig. Oui, je sais, pourquoi ? Toujours est-il que ce dernier vient d’accepter d’endosser le costume du célèbre espion britannique James Bond, une franchise potentiellement plus juteuse que celle du dieu cosmique. D’autres prétendants sont alors approchés : Alexander Skarsgärd, Charlie Hunnam, les frangins Hemsworth (Liam et Chris), et même un certain Tom Hiddleston. En vain.

Finalement, après avoir été initialement recalé, c’est Chris Hemsworth qui décrochera le rôle-titre. Quant à Hiddleston, que Branagh connait bien pour avoir bossé avec lui (au théâtre dans Ivanov et à la télé dans Wallander), il se verra finalement confier (avec génie) le rôle du frangin qui manigance dans l’ombre, le machiavélique Loki.

Le tournage débute en octobre 2008, dans les meilleures conditions imaginables, et très franchement, il n’y a pas grand chose de spectaculaire à en retenir. C’est d’ailleurs sans conteste la première fois qu’un tournage du studio se déroule de manière aussi fluide. Marvel bosse sans prise de tête notable avec son réalisateur, et ce dernier avouera plus tard avoir passé un excellent moment tout du long. Même le cast s’implique avec plaisir : Hopkins improvise avec brio la plupart de ses monologues devant la caméra et Portman file un coup de main pour rendre son personnage plus consistant que la caricaturale « scientifique sceptique » qu’en a fait Don Payne.

Son of Coul

Hawkeye qui se la raconte, genre il va coucher Thor avec une flèche.

Hawkeye qui se la raconte, genre il va coucher Thor avec une flèche.

Un autre acteur qui s’amuse beaucoup sur le tournage, c’est l’ami Clark Gregg, notre bien aimé Agent Coulson. C’est que depuis son petit rôle d’interface du SHIELD dans le premier Iron Man, il a pris du galon. Partie intégrante du film, il sert de tissu connectif avec le reste du MCU, un peu à l’instar du Nick Fury d’Iron Man 2. Un rappel permanent que « tout est connecté » (« It’s all connected« , le slogan officiel du MCU), ancrage plus que jamais nécessaire vu le cadre cosmique du film.

Et pour enfoncer le clou de la continuité, Marvel embauchera l’acteur Jeremy Renner pendant la phase de post-production, pour intégrer le personnage de Clint Barton (Hawkeye) avant son arrivée dans le film The Avengers. La scène est très courte mais suffit à l’époque à produire une petite onde de choc chez les fans. Marvel tease. What else is new?

D’ailleurs, puisqu’on parle de post-production, sachez que, de manière assez surprenante, le film ne comporte pas énormément de plans avec des effets visuels (les fameux VFX) : à peine 1309 (Age of Ultron en comporte plus de 3000). Pour l’anecdote, c’est une boite française qui a supervisé le processus, BUF Compagnie, dont la filmographie atteste d’une expertise certaine (Matrix Reloaded et Revolutions, Batman Begins, Harry Potter and the Goblet of Fire et même un certain Spider-Man 3). Peu de VFX pour un film cosmique ? Une volonté de Branagh de construire un maximum de choses « en vrai », histoire de donner aux acteurs un terrain de jeu concret pour bosser. Alors oui, les costumes pèsent trois tonnes, font d’excellents fours et ne permettent pas beaucoup de libertés, mais c’est ce qui donne justement ce côté « grandiose » à un film qui en a bien besoin s’il veut réussir à vendre son univers au public.

Le tournage OKLM

Anthony Hopkins réglant l'autoradio du costume de Chris Hemsworth.

Anthony Hopkins réglant l’autoradio du costume de Chris Hemsworth.

Le film se boucle dans les temps, sans heurts, sans crise d’ego, même la phase de montage ne déroge pas à la règle. Soit le studio n’a pas fait d’ingérence, soit Branagh n’a pas eu de difficulté à la gérer, quoi qu’il en soit, Thor est désormais prêt à débarquer dans les salles obscures. On demande à Joss Whedon (qui vient de signer pour la réalisation d’Avengers) de concevoir une petite séquence post-générique (la fameuse « button scene », chère à Marvel) pour teaser la suite. Une scène qui, finalement, me confortera encore un peu plus dans l’idée que le film n’est finalement qu’une mise en place du personnage de Loki, et qu’il est indubitablement le vrai cœur de l’histoire.

Thor sera présenté en première mondiale à Sydney le 17 avril 2011, puis sortira dans les salles deux semaines plus tard. Il décrochera la 15ème place des meilleures recettes de l’année et rapportera la jolie somme de 450 millions de dollars (pour un budget de 150 millions, rappelons-le), pas de quoi rougir. La critique sera à l’avenant avec un consensus plutôt positif. Mission réussie pour Marvel donc, l’obstacle cosmique est franchi avec brio.

On remet le couvert, Kenneth ?

D’ailleurs, Branagh est emballé par l’idée de bosser sur une suite. Malheureusement, la perspective de se relancer dans un marathon comme celui dont il sort à peine plombe son enthousiasme. Et quand le studio lui annonce qu’ils veulent lancer le deuxième acte tout de suite, le réalisateur britannique décline finalement l’offre.

Qu’on aime ou pas le film, on peut difficilement discuter l’importance de Thor dans l’architecture du MCU. D’abord, parce qu’il introduit Loki, le « big bad » du film phare du studio, The Avengers. Ensuite, parce qu’il va pousser Marvel à explorer des univers plus risqués. Ce n’est pas un hasard si Kevin Feige a commencé à parler sérieusement d’un film Guardians of the Galaxy quelques mois après le succès de Thor.

Et maintenant que le grand méchant est démasqué, il est l’heure d’introduire l’arme du crime : le Tesseract. Ce sera fait dans le cinquième film (déjà) du studio : Captain America, The First Avenger. Mais ça, ce sera pour la semaine prochaine…

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


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