Steam Controller : la révolution attendra

Steam Big Picture, Steam Machine, Steam OS, SteamVR, Steam Link, Steam Controller… Sortir le PC de son ghetto (aka : votre chambre / bureau / coin-du-salon-fait-pas-de-bruit-merci) semble bien être la priorité chez Valve, ou en tout cas une mission prise très au sérieux. Le joueur PC aura-t-il un jour droit au confort du canapé, en esquivant les compromis du jeu console ? Sans parler des obstacles sur le chemin de certaines initiatives, décortiquer les forces et faiblesses du Steam Controller prouve une chose : la route va être longue pour la firme de Seattle.

Stream Controller Render 1

Il est presque beau. En rendering 3D totalement FAKE. ;)

La promesse du Steam Controller était d’être le gamepad universel, capable de remplacer aussi bien les pads de la concurrence qu’un combo clavier / souris. Une versatilité rendue obligatoire par les plans de Valve : imposer Steam et son catalogue de jeux PC dans le salon. Une idée louable, mais qui nécessite de fournir un périphérique capable de s’adapter à toutes les situations : FPS, RTS, MOBA, etc. Quand on sait à quel point il est déjà compliqué de réaliser un “simple” gamepad correct, l’ambition de Valve semblait un tantinet optimiste, ce qui explique au passage les deux ans de retard du projet.

Ornithorynque du pad

Comme cette bestiole bizarre, le Steam Controller ressemble à tous les pads du marché tout en ne ressemblant à rien. Cette phrase est Stream Controller Render 3bizarre, mais elle a du sens, promis ! On retrouve les 4 boutons ABXY de tout pad qui se respecte, un stick analogique classique à gauche, 2 gâchettes sensibles à la pression, 2 boutons au-dessus de ces dernières et 2 ailettes en dessous. Il est également équipé du couple gyroscope / accéléromètre pour la reconnaissance de mouvements. La grosse différence avec la concurrence vient des deux énormes surfaces tactiles qui occupent la droite et la gauche du pad. Celle de gauche fait également office de pad directionnel, parfaitement horrible à utiliser. Techniquement, à part le dessin de D-Pad à gauche, les deux surfaces sont strictement identiques. Ce sont elles qui ont nécessité tant de recherches et de tests. Le but des ingénieurs de Valve était de proposer un moyen capable d’offrir la souplesse de la souris quand il s’agit de bouger une caméra dans un espace 3D, tout en étant capable de manipuler un pointeur ou clavier virtuel facilement. La partie software est du coup aussi importante que le hardware, on va y venir. Pour le moment, ouvrons la boîte…

Mais pourquoi ?

On va arrêter de tourner autour du pot et se parler franchement. Au déballage du Steam Controller, une seule pensée tournait en boucle dans ma tête : “MAIS QU’EST-CE QUE C’EST QUE CETTE MERDE ?”. Sérieusement. Pour vous donner un point de comparaison, j’ai vu des trucs signés Saitek plus appétissant que ça dans les années 90. C’est dire. Saitek hein, les mecs tellement pressés de vous faire racheter un stick qu’ils avaient inventé l’obsolescence anticipée – le produit tombe en panne dans sa boîte. Des précurseurs…

Stream Controller Render 2Je vous rassure, pour le moment mon Steam Controller fonctionne encore parfaitement. Mais à la première prise en main, le feeling est catastrophique. Très léger, le pad utilise des plastiques au finish ultra cheap qui ne font vraiment pas rêver. On découvre ensuite que le pad dispose de deux compartiments sur les côtés pour loger une pile chacun. Oui, des piles. Comme sur Wii même pas U. Piles livrées avec le contrôleur, ouf ! On a tout de même l’impression de déballer le jouet du petit cousin, pas le fameux Joypad NextGen Bling Bling de tonton Gabe. Sentiment renforcé par les bruits de plastoc qui émanent de chaque bouton du bidule : les gâchettes cliquent bruyamment, la “croix de direction” sur touchpad provoquera une chute de cheveux anticipée dès le premier essai et les ailettes situées sous le pad vous laisseront perplexe. Avant de brancher la bête, on se demande si on n’a pas fait l’achat le plus stupide de l’année…

Rondelles magiques

Le pad se connecte indifféremment sur PC ou Steam Link (et sera totalement compatible Mac à terme) et tout est livré pour que ça se passe au mieux : câble, adaptateur USB et boîtier pour déporter votre port USB si besoin. Windows et le Steam Link reconnaissent le pad instantanément, aucun souci de ce côté-là. Une fois branché, c’est là que toute la différence se fait : le trackpad de droite, actif, se met alors à faire un bruit très suspect. C’est le bruit du feed-back tactile et croyez-moi, ça surprend… On regrette qu’ils n’aient pas utilisé des moteurs plus discrets ! Démonstration…

Pour l’anecdote, ces moteurs de feed-back haptic sont chargés de tous les bruits du pad : beep on / off, feed-back de “faux microswitchs” sur le stick analogique gauche, etc. Personnellement je trouve leur bruit perturbant, mais heureusement, on peut au moins désactiver celui des touchpads si on décide de se passer du haptic, que je trouve trop léger pour offrir le moindre retour d’information intéressant.

Avant même de lancer le moindre jeu, un truc me chiffonnait : le pad me semblait vraiment bizarre à la prise en main. Et pour cause : il est concave ! Les “poignées” latérales remontent au lieu de descendre comme avec tous les autres modèles du marché. J’en connais qui vont detester encore plus rapidement que moi. Le but est de donner une prise plus “confortable” quand on utilise ses pouces sur les trackpads. Ça fonctionne, mais j’insiste : certains ne s’y feront jamais.

Je sens que les noms de configurations de la communauté vont être surpuissants…

Toujours avant de lancer un jeu, il faudra, via le mode Steam BigPicture, configurer le pad. Ça peut également se faire en jeu, mais mieux vaut prévenir que guérir… On peut alors choisir entre trois “modèles” de base : joypad, joypad avec visée précise ou une sorte d’émulation clavier / souris. Mais vous n’utiliserez jamais ces modèles sans quelques changements. Tout, absolument tout est paramétrable. De quoi passer des heures à positionner chaque bouton, mettre deux actions par gâchette (on peut, il y a un clic secondaire à mi-course), etc. Une fois satisfait, on peut sauvegarder sa configuration, voire la partager avec le reste de la communauté. Ou directement aller faire ses courses dans ce qui existe déjà. Sur des jeux populaires comme Rocket League, il y a largement de quoi choisir ! Et pour s’y retrouver, les configurations sont classées par nombre d’utilisateurs depuis peu de temps, pour repérer celles qui ont l’air potables.

Ooops SORRY !

Malgré tout, entre la complexité de certaines configs et les réflexes acquis lors de dizaines d’heures de jeu sur des pads Xbox, j’ai fait ragequit plus d’un partenaire sur les différents titres testés. Ma maladresse naturelle n’est qu’une partie du problème… Le Steam Controller souffre surtout d’une ergonomie des plus discutables : les boutons ABXY sont trop petits, et placés beaucoup trop loin du pouce. Ça rend la position inconfortable rapidement. La sensibilité des touchpads est un calvaire à ajuster correctement, et il faut déjà trouver dans quel mode (émulation joystick ou souris) les exploiter. Ils se gèrent du reste souvent comme des trackballs, on peut “lancer” le curseur dans une direction en glissant rapidement son doigt.

Stream Controller Config 4

Le premier qui arrive VRAIMENT à jouer à Dota2 avec « ça » mérite le respect éternel. Et une camisole.

L’habitude n’aide pas à s’adapter au Steam Controller rapidement, mais ses choix de design non plus. Le résultat c’est que dans tous mes tests, j’ai regretté soit de ne pas utiliser un pad normal, soit de ne pas utiliser mon clavier et ma souris… Je n’ai jamais rencontré un titre inexploitable avec, mais jouer à Dota2 ou à un RTS avec relève de la torture. Pourtant, un gamer persévérant et doué fera des merveilles avec à terme, j’en suis persuadé. Déjà car Valve patch le firmware du pad et Steam régulièrement pour affiner les réglages disponibles. Ensuite, car certaines idées sont indéniablement bonnes : un touchpad peut ainsi changer de sensibilité à la volée quand on appuie dessus dans un CS:GO ou Team Fortress 2 (pour ajuster son headshot), les boutons au niveau du grip, positionnés sous les doigts, se révèlent pratiques dans bien des situations, etc. Il y a même un type de jeu qui bénéficie déjà de ce pad : tous les titres claviers / souris un peu lents, qui peuvent enfin se jouer vautré sur le canap’ : certains RPG, les jeux de stratégie tour par tour, etc. Ça permet en plus de se familiariser avec les touchpads sans sauter directement dans l’enfer d’un FPS !

Stream Controller Config 3

Le nombre d’écrans de configuration est impressionnant. Voire terrifiant, si on voulait « juste » jouer facilement…

“When it’s done”

Ce Steam Controller a tout du produit en version bêta, lâché dans la nature pour remonter un maximum d’information à ses concepteurs. Du pad physiquement (très) perfectible au software, tout nécessite encore des mois de boulot pour être exploitable correctement. Dans le meilleur des cas, il nécessite des heures d’entraînement pour être apprivoisé, et je doute que le grand public soit intéressé par le challenge. Côté éditeurs, la plupart des configurations publiées “officiellement” sont catastrophiques, car eux aussi vont devoir comprendre comment faire rentrer leur gameplay sur ce nouveau périphérique, qui évolue tout le temps. Valve vient par exemple de rajouter la possibilité d’afficher des boutons virtuels en overlay sur votre jeu si le pad ne dispose pas de suffisamment de boutons physiques. Il faut ensuite se transformer en poulpe côté doigt ET neurones, mais ça prouve que Valve travaille d’arrache-pied sur ce produit. Le Steam Controller est indispensable au succès de leurs autres initiatives, Steam Machine et SteamVR en tête, ils n’ont donc pas vraiment le choix, il faut assurer !

En attendant, pas besoin de vous faire un dessin : à moins d’être très curieux, gardez vos 55 euros et patientez un peu avant de craquer. Sinon vous risquez de le balancer contre un mur avant que Valve ne sorte le patch magique !

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