La saga Marvel Studios, 7ème partie : The Avengers, assemblage requis

Ça y est, le grand jour est enfin arrivé ! Point culminant d’une folle entreprise entamée en 2005, The Avengers s’apprête à conclure la Phase 1 de l’aventure MCU. Pour Marvel Studios, c’est le moment de vérité. Et pour convertir l’essai, rien n’est laissé au hasard.

The Avengers, c’est la concrétisation d’un projet unique dans l’histoire du cinéma : la mise en place d’une franchise articulée autour de plusieurs personnages, ayant chacun leurs films propres, mais évoluant dans un univers partagé. Et tout ça sous la houlette d’un studio nouveau-né, à l’expérience somme toute assez limitée. La pression est énorme, du même acabit que celle qui pesait sur les épaules de Kevin Feige et sa troupe lors du premier Iron Man : si le film se plante, c’est la fin de l’aventure.

D’autant plus qu’en coulisses, en décembre 2009, Marvel se fait racheter par le géant Disney, pour la modique somme de quatre milliards de dollars. Et si la souris aux grandes oreilles a la réputation de laisser bosser ses filiales rentables dans la tranquillité, l’ingérence pourrait bien tout à coup s’amplifier si le gros « crossover » ciné tant attendu se ramasse au box office.

Mais pour l’heure, tonton Walt leur fout une paix royale. Pour l’observateur lambda, ce rachat n’a finalement qu’une incidence très limitée. En outre, Marvel Studios dépend toujours du grippe-sou Ike Perlmutter, big boss de la maison-mère, pour signer les chèques. Contrairement à la croyance populaire, l’arrivée de Disney dans l’équation ne va donc pas soudainement gonfler les moyens financiers disponibles. Le rachat aura cependant un impact plus tard, début 2015, au moment de l’émancipation de Marvel Studios. Mais ça, on aura l’occasion d’y revenir.

Assemble, tout est possible

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RDJ, Joss Whedon et Chris Evans (de gauche à droite) moquant les poses efféminées de Chris Hemsworth (au centre).

Vu l’importance du projet, pas de temps à perdre : dès 2005, après avoir négocié un prêt avec les banques pour financer son MCU, Marvel lance parallèlement aux franchises solo que sont Iron Man, Thor et Captain America, le développement du point de convergence : le climax Avengers. Et après une période de brainstorming interne d’environ trois ans, le studio confie finalement l’écriture du scénario à ce bon vieux Zak Penn, dont la plume avait déjà esquissé la trame du Incredible Hulk de 2008. Le film est initialement annoncé pour juillet 2011, pour être finalement repoussé à mai 2012, après le retard pris sur Thor, suite notamment à la grève des scénaristes dont on a déjà parlé précédemment.

Ne reste plus qu’à dégoter un réalisateur. Une gageure, quoi. Parmi les premiers prétendants à se manifester, le français Louis Letterier, déjà responsable du Hulk estampillé MCU. Malheureusement pour lui, Marvel n’a pas oublié la phase de montage chaotique de 2008 et préfère décliner. On ne leur en voudra pas. Jon Favreau va également se montrer intéressé, mais là non plus, les négociations n’aboutiront pas. Il se verra néanmoins confié le poste de producteur exécutif (sans doute en remerciement du travail accompli depuis les débuts du studio), de nouvelles fonctions qui lui permettront de garder un œil sur le projet et de prodiguer quelques précieuses recommandations.

C’est finalement le nom de Joss Whedon qui retiendra l’attention du studio. Une décision pas vraiment surprenante et ce, pour plusieurs raisons. Déjà, parce que Kevin Feige connait bien le bonhomme. Les deux hommes s’apprécient, surtout depuis que le papa de Buffy a signé un des arcs les plus populaires des comics maison, les Astonishing X-Men. En outre, Whedon jouit d’une réputation hors pair dans le monde des geeks, une cible importante pour Marvel.

Enfin, si le studio voit sa candidature d’un aussi bon oeil, ne nous voilons pas la face, c’est aussi pour des raisons purement mercantiles : Whedon n’a qu’une expérience limitée de la réalisation et son seul long métrage à ce jour (Serenity) a été un flop commercial cinglant. Corollaire : il est financièrement très abordable. Un argument qui fait toujours mouche quand il s’agit d’aller quémander des sous à Perlmutter.

L’annonce de l’arrivée du « papa des nerds » est officialisée en avril 2010 et sa fanbase explose littéralement de joie. Le film est clairement entre de bonnes mains, le niveau d’impatience augmente d’un cran.

L’homme de l’ombre

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De Thanos, Whedon dira : « J’ai beaucoup d’affection pour lui. Il est littéralement amoureux d’une incarnation de la Mort, je trouve ça mignon. »

Indépendamment de son boulot sur The Avengers, il serait criminel de ne pas souligner également l’importance de Whedon dans le développement du MCU dans son ensemble. Souvent considéré comme le bras droit de Kevin Feige, c’est à lui qu’incombe dès 2010 la responsabilité de veiller à la cohérence de l’univers. C’est d’ailleurs lui qui suggèrera aux pontes de Marvel d’intégrer le reveal de Thanos pendant la séquence post-générique du film, sous-entendant que Loki, le supposé big bad, n’était en réalité qu’un pion dans une partie d’échec de plus grande envergure.

Une décision a priori anecdotique qui va pourtant devenir le fil rouge du MCU à partir de la phase 2 et s’inscrire en filigrane de quasiment toutes ses intrigues. Un ajout de dernière minute qui aura des répercussions jusque dans Infinity War, l’apothéose de la phase 3, attendue pour 2018 et 2019, et durant laquelle le Titan Fou (Thanos, donc) bottera avec véhémence les arrière-trains de nos Vengeurs adorés. Non, vraiment, nier l’importance capitale de Whedon dans la maturation du MCU serait insensé.

Du côté de la pré-production, l’ami Joss est plutôt peinard. La quasi totalité du casting a déjà été bouclée sur les précédents projets du MCU, et hormis quelques rôles secondaires à combler, il ne lui reste pas grand chose à gérer de ce côté-là. Whedon recrute Cobie Smulders pour incarner l’agent Maria Hill, sans doute pour se faire pardonner du projet Wonder Woman avorté dans lequel l’actrice devait tenir le rôle-titre. La team est au complet, à une exception près : quid de Bruce Banner ?

Parce que curieusement, malgré le gros couac survenu pendant le montage de The Incredible Hulk et la brouille conséquente entre Edward Norton et la production, l’acteur qui incarnait le bon docteur dans le film de Letterier déclare en 2009, lors d’une interview accordée à MTV, qu’il est chaud bouillant pour rempiler. Intrigué, Whedon le rencontre et même si l’entretien se déroule a priori dans un bon état d’esprit, Marvel choisira finalement de ne pas faire appel à lui, prétextant publiquement l’envie de bosser avec quelqu’un qui fait preuve d’un meilleur esprit d’équipe. Aouch. Manifestement, Feige n’a toujours pas rentré les griffes depuis 2008.

Et pour compléter le drama, l’incident trouvera écho dans un échange de communiqués de presse entre les différents protagonistes, pugilat public dont tout le monde se serait bien passé. Une fois le calme revenu, c’est finalement Mark Ruffalo qui sera recruté pour incarner l’alter ego du géant vert. Fun fact : il avait été l’un des premiers acteurs approchés pour le film Hulk de 2008, avant de se faire souffler le job par… Norton. Du coup, son arrivée sur The Avengers revêt une symbolique plutôt rigolote.

Penn de mort

La "dream team" de The Avengers au grand complet.

La « dream team » de The Avengers au grand complet. « Casting de rêve » serait encore bien en deçà de la réalité.

Comme le tournage n’a pas encore commencé, et que Whedon a du temps, il en profite pour se plonger dans le scénario de Penn. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas super fan. Il a même des mots très durs à l’égard de cette première ébauche, indiquant à Marvel qu’il serait préférable de prétendre qu’elle n’a jamais existé. Aouch bis. Feige étant particulièrement satisfait du boulot de script doctor réalisé par Whedon sur Thor et le premier film Captain America, il lui donne sans hésitation carte blanche pour le réécrire à sa sauce.

Et l’entreprise est délicate… Comme le souligne très justement Jon Favreau dans une interview à l’époque, la grosse difficulté du film réside dans la juxtaposition de tons relativement opposés. Ce qui a fait la force de Marvel jusqu’ici (le fait d’avoir avant tout produit des films de genre plutôt que des films de super-héros) va s’avérer tout à coup représenter son plus gros souci. Entre le thriller technologique d’Iron Man, le cadre « Seconde Guerre mondiale » de Captain America: The First Avenger et la magie cosmique de Thor, il va falloir réussir à trouver un terrain neutre où ces différentes influences vont pouvoir se croiser sans trop de dissonance.

Et c’est justement ce qui va séduire Whedon et le pousser à accepter le challenge : pour lui, les Avengers ne sont finalement rien d’autre qu’une famille dysfonctionnelle, un assemblage forcé de personnalités aux antipodes, contraintes de bosser ensemble alors que tout les sépare. Sa « dream team » comme il l’appelle lors de la Comic-Con de 2011 est aussi un véritable cauchemar relationnel. Un genre dans lequel Whedon excelle. Quand je vous disais qu’il était l’homme providentiel, je ne plaisantais pas.

Le tournage débute en avril 2011, et une fois de plus, tout se passe sans réelle encombre. Les mauvais souvenirs d’Iron Man 2 sont définitivement loin, et Marvel semble avoir trouvé le bon équilibre dans son « workflow ». Sur le plateau, on improvise, on réécrit, le tout dans la joie et la bonne humeur. Whedon se paie même le luxe de boucler la phase de production avec un jour d’avance sur le planning, et dans le budget imparti de 220 millions de dollars. Chapeau.

Up all night to get Loki

Chris Evans jaugeant de la distance qui le sépare du firmament du box office.

Chris Evans jaugeant de la distance qui le sépare du firmament du box office.

Le passage sur le banc de montage se fait sans douleur, le cut initial de trois heures se voit amputé de 45 minutes, principalement des scènes tournant autour de l’intégration de Steve Rogers dans notre époque contemporaine. Le nombre de plans comportant des effets visuels explose pour atteindre un rutilant 2200, un nouveau record pour Marvel. Le fait que tout le troisième acte se déroule dans une ville de New York entièrement recréée en images de synthèse n’y est sans doute pas pour rien…

Pour l’anecdote, il était initialement prévu d’intégrer en easter egg un plan du bâtiment Oscorp, la société de Norman Osborn, némésis de Spider-Man dans les comics. Mais malgré un accord avec Sony, l’idée ne se concrétisera finalement pas par manque de temps. Néanmoins, on peut sans conteste voir ici un premier indice du rapprochement entre les deux studios, rapprochement qui débouchera plus tard sur l’arrivée de l’homme-araignée dans les films du MCU.

Une fois bouclé, le film sera présenté en avant-première le 11 avril 2012 au El Capitan Theatre d’Hollywood et tout le monde connait la suite : sortie dans les salles en avril et mai 2012, plus d’1,5 millards de recettes, record de la bande-annonce la plus téléchargée sur iTunes, plus gros carton de 2012, 3ème plus gros succès ciné de tous les temps, 4ème plus gros weekend de démarrage… Le film sera même nominé aux Oscars (dans la section effets spéciaux, OK, mais n’empêche). Sans oublier le succès public, à l’avenant. Carton plein, n’en jetez plus.

Au terme de cette Phase 1 de films du MCU, le bilan pour Marvel Studios est plutôt incroyable. De jeune outsider inconnu, la société est devenue en moins de dix ans un acteur majeur de la scène hollywoodienne. Et ce n’est que le début : le développement d’une phase 2 est en chantier depuis 2010, et l’on parle déjà d’un Iron Man 3 pour l’année prochaine. Comme disait Coluche, jusqu’où s’arrêteront-ils ? Rendez-vous dans huit jours pour la suite…

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


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