Quand la musique est Bone…

Il y a quelques années, lors d’une tournée en Russie, Stephen Coates, leader du groupe The Real Tuesday Weld, découvre dans un marché aux puces un curieux objet : une sorte de disque vinyle, gravé sur une vieille radiographie. Un butin surprenant qui va l’amener à enquêter sur le monde fascinant des « bones », des bootlegs dont l’origine remonte au milieu du XXème siècle…

x-ray_audioIl ne faisait pas bon être fan de musique dans la Russie des années 50 : à l’époque, les productions musicales (non seulement occidentales, mais également locales) étaient purement et simplement interdites. Importer des vinyles était une entreprise dangereuse qui pouvait mener tout droit en prison.

C’était sans compter sur d’astucieux et courageux mélomanes qui décidèrent de braver l’interdiction en gravant eux-mêmes leurs propres enregistrements des tubes du moment. Et à défaut de véritable support vinyle (particulièrement rare et onéreux à l’époque), les ingénieux bidouilleurs se sont rabattus sur une autre matière dans laquelle on pouvait aisément graver des microsillons : de vieilles radiographies. D’où son surnom de « bones » (os), « ribs » (côtes) ou encore « bone records ».

Une des choses émouvantes, je trouve, à propos de ces images : vous voyez une photo, un cliché si vous voulez, de l’intérieur d’un citoyen soviétique, et il a été gravé avec de la musique dont les citoyens soviétiques profitent en privé, secrètement. Et il y a bien entendu quelque chose de très puissant et émouvant à cette juxtaposition. Il y a quelque chose de romantique et poignant dans cette histoire où partager de la musique était une entreprise douloureuse, laborieuse et risquée. (Stephen Coates).

Cette découverte va plonger Coates dans une quête obsessionnelle, durant laquelle il va parcourir la Russie à la recherche de témoignages de ces fameux « bootlegers » et se mettre à collectionner ces précieux « bone records ». De cette quête, Coates en a tiré un ouvrage, paru fin de l’année dernière, intitulé avec justesse X Ray Audio. Le bouquin s’est en outre vu décliner en exposition multimédia, le 5 décembre dernier, au Horse Hospital de Londres, avec l’illustre DJ Food.

Une lecture obligatoire pour tout fan de musique qui se respecte, témoignage d’un temps où le bon son ne s’échangeait pas via les réseaux P2P, mais au coin de ruelles sombres, sous le manteau. Et pour en savoir plus, n’hésitez pas à aller jeter une oreille à l’interview que Stephen Coates a accordé à nos excellents confrères de NPR.

(merci à Arkeon pour l’idée de titre bien débile)

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