La saga Marvel Studios, 16ème partie : Ant-Man, mini-héros, maxi-prise de tête

Déjà la dernière partie (pour le moment en tous cas) de notre grande saga Marvel Studios ! Et pour la fin, je vous ai gardé un morceau de choix : petit par la taille, mais grand par le chantier, Ant-Man aura sans conteste été le projet le plus chahuté de Marvel Studios. Retour sur une production épique qui aura pris plus de 10 ans à voir le jour.

Si l’on veut retourner aux origines du projet d’adaptation d’Ant-Man au cinéma, il faut monter dans la DeLorean et se téléporter à la fin des années 80, quand Stan Lee lui-même essayait de refourguer l’homme-fourmi au studio New World. Pas de bol pour « Stan The Man », au même moment, Disney s’apprêtait à sortir un certain Honey, I Shrunk The Kids, une autre histoire de scientifique qui rapetisse. Et vu la puissance de feu de tonton Walt, New World préféra jeter l’éponge après une très courte période de développement.

Il faudra attendre l’an 2000 pour que le projet refasse surface, cette fois-ci dans l’écurie Artisan Entertainment. Pour rappel, à l’époque, le MCU n’existe même pas encore dans les rêves de Marvel. Sauvée in extremis par un changement de politique salutaire, la société est en pleine brocante de ses licences (sous l’impulsion pas toujours inspirée d’Avi Arad) et les refile à tous les studios hollywoodiens qui veulent bien prendre le risque de les produire. Artisan fait partie de ceux-là. Et Ant-Man les intéresse. Avi encaisse le chèque et le projet semble enfin prendre forme.

Ce n’est pourtant que deux ans plus tard qu’Artisan finira par confier le bébé à un réalisateur, Britannique de son état, un certain Edgar Wright, tout juste auréolé par la critique pour son excellente série Spaced, mais sans réelle expérience du cinéma. Qu’à cela ne tienne, le jeune homme se met immédiatement au travail, avec son comparse Joe Cornish (qui signera en 2011 l’excellent Attack The Block, pour situer), et présente assez rapidement un premier traitement au studio. Une trame encore assez ténue dans laquelle Scott Lang, la deuxième incarnation du personnage dans la bande dessinée, tient la vedette.

Et à présent, une petite pause publicité

Ant-Man (ouverture)

Je sais, là comme ça, on dirait une pub pour du détartrant de salle de bain. « Avec ses particules de Pym, Ant-Man s’incruste au fond de la saleté ! » Mais faites-moi confiance, le film est VRAIMENT cool.

D’ailleurs, avant d’aller plus loin, j’en profite pour faire une petite parenthèse : si vous voulez en savoir plus sur le personnage d’Ant-Man dans les comics, je vous invite à jeter une oreille au deuxième épisode d’un excellent podcast qui s’appelle Les Clairvoyants. Les deux animateurs, au demeurant fort sympathiques (un certain Fask et un certain Fox) y tirent le portrait du héros miniature. (Et spéculent aussi sur le film avant qu’il sorte, ce qui rétrospectivement est assez drôle.)

Bref. Cette petite précision (et auto-promotion) étant faite, revenons au film et à son chantier impossible. En 2004, après qu’Artisan ait finalement lâché l’affaire, n’ayant pas réussi à produire son adaptation dans les temps, Marvel récupère les droits d’exploitation du personnage. Et ça tombe plutôt bien, puisque c’est aussi à ce moment-là que la Maison aux Idées entreprend de conquérir le monde des salles obscures en produisant elle-même ses longs métrages sous la bannière que vous connaissez désormais sur le bout des doigts, le tout jeune Marvel Studios.

Bon timing pour Edgar Wright, qui a eu le nez creux et leur a justement pitché son idée quelques mois auparavant. En 2006, Marvel s’en souvient, le rappelle et l’engage illico, lui et son inséparable binôme Joe Cornish, pour relancer le projet en interne. L’idée initiale, c’est d’introduire Ant-Man avant les Avengers. Logique : le héros étant un des membres fondateurs de la team dans les comics, il serait normal de faire pareil sur grand écran. La suite va en décider autrement…

DTC le MCU

Ant-Man : Kevin Feige et Edgar Wright

Kevin Feige au centre et Edgar Wright à droite, souriants la photo, mais déjà en train de se donner des coups de pieds sous la table.

Une première version du scénario (un « draft » comme ils disent aux USA) est pourtant livrée dès mars 2008, mais après ça, le film sombre à nouveau dans l’oubli jusqu’en 2010, où il finit par pointer le bout de son nez lors de l’inévitable Comic-Con de San Diego. A cette occasion, Wright explique qu’ils ont évoqué la possibilité de faire apparaître le personnage pour la première fois dans le film de Joss Whedon réunissant toute la joyeuse troupe (The Avengers, donc, pour ceux qui ne suivent pas) :

J’ai parlé de ça avec Kevin Feige il y a un moment, quand nous discutions de l’opportunité de l’inclure dans les Avengers. Le problème c’est que le scénario que j’ai écrit, […] sa chronologie ou la manière dont il fonctionne, ne s’intégrerait pas vraiment avec ce qu’ils font. Et mon film est très clairement une introduction au personnage, et du coup, ça ne semblait pas une bonne idée de l’introduire dans ce film.

On sent déjà à l’époque que Wright, qui bosse tout de même sur le film depuis sept ans, n’a pas spécialement envie que les pontes du studio viennent poser leurs grosses pattes sur son bébé. En gros, rien à battre de l’inclure dans le MCU, l’ami Edgar veut qu’on le laisse faire son petit truc à lui dans son coin. Et quelque part, c’est une volonté légitime qui va au-delà du caprice de diva qu’on pourrait y percevoir de prime abord. Wright a commencé à cogiter sur le film bien avant que le premier Iron Man ne soit mis en chantier, à une époque où le concept d’univers partagé n’était encore qu’un doux rêve. Et il n’a pas super envie de revoir sa copie pour rentrer dans ces nouvelles cases.

Mais chez Marvel, ça commence à coincer. D’autant que le projet, initialement prévu pour la Phase 1 des films, prend grave du retard. Deux nouvelles versions du scénario sont présentées en 2011, et Wright refait un petit passage à la Comic-Con pour rassurer tout le monde. Mais le film se fait clairement attendre…

Le film du Loch Ness

Ant-Man : Paul Rudd

« Tu déconnes, Peyton. Déjà que le nom était pourri. »

En mai 2012, alors que le silence radio est total, Feige se veut rassurant : la production est sur le point de commencer. En juin de la même année, Wright passe d’ailleurs une petite semaine à réaliser des prises test pour expérimenter quelques effets visuels. Prises qu’il présentera d’ailleurs à la Comic-Con la même année et qui fuiteront sur la toile assez rapidement, relançant l’intérêt pour un film que tout le monde avait un peu perdu des radars. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Sauf qu’en coulisses, ça se passe en fait de plus en plus mal. Début 2013, Feige annonce que, contrairement aux déclarations antérieures de Wright, Ant-Man sera bel et bien intégré de manière organique avec le reste du MCU. Et qu’il va d’ailleurs falloir retravailler le scénario pour que ce soit le cas. Une manière pas très subtile de faire comprendre à Wright qu’il n’aura pas le dernier mot sur le sujet. Tension.

Contre toute attente, le réalisateur britannique s’exécute et revoit sa copie. Il en présentera deux nouvelles versions en juillet 2013 et, quelques mois après terminé son The World’s End, en mars 2014. Mais Feige n’est toujours pas convaincu. En douce, dans le dos de Wright, il fait réécrire le scénario par quelques anonymes de l’écurie interne de Marvel. Et quand Wright découvre les modifications, il pète un câble. Il sent que le projet lui échappe, qu’il n’aura pas le final cut, et clairement, tout ça ne va plus du tout dans le sens qu’il avait espéré.

Du côté Marvel, c’est marche ou crève. Si Ant-Man doit être intégré dans le MCU de force, on n’hésitera pas une seconde. Et là aussi, c’est compréhensible. Depuis le début, les films de l’équipe de Feige sont des œuvres de producteurs. Normal qu’ils aient le dernier mot sur leur propriété et la manière dont elle est exploitée. Mais bref, ça coince. Fort.

Wright Gone Wrong

Ant-Man : The Wasp (Evangeline Lilly)

Verra-t-on The Wasp dans Civil War ? Avec le joli costume et tout ? Pretty please ?

En mai 2014, la terrible nouvelle tombe : Marvel et Edgar Wright annoncent leur divorce, invoquant poliment des « différences créatives ». Les fans du réalisateur prennent rapidement son parti, annonçant déjà la mort du film. Mais globalement, tout le monde s’inquiète : que va devenir le projet à un mois du début planifié de la production ? Qui va prendre la relève ? Qui va avoir les balls d’embrayer sur l’éminent Wright ?

Arrêtons-nous un instant pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer. Du côté des défenseurs de Wright, on affirme que le réalisateur a décidé de quitter le navire quand il a découvert le « massacre » infligé à son scénario sans son aval. Côté Marvel, on sous-entend que ce sont les nombreux retards dans la production qui ont fini par faire déborder le vase. Aujourd’hui encore, on ignore les vraies raisons de cette rupture. Et je doute qu’on les connaisse un jour. Mais au final, ce n’est pas très important…

Ce qui l’est en revanche pour Marvel, c’est de trouver un successeur. Et vite. Plusieurs noms sont évoqués, dont celui d’Adam McKay (à qui l’on doit l’excellent Anchorman), mais c’est finalement à un semi-inconnu, Peyton Reed, que sera confiée la délicate tâche de reprendre la balle au bond. On ne va pas se mentir : l’annonce laisse un peu tout le monde de marbre. Le réalisateur du passable Bring It On et de quelques épisodes de New Girl a-t-il les épaules assez solides pour endosser le maillot de sauveteur ?

Lui pense que oui, et relève le défi. McKay est finalement rappelé pour bosser sur le scénario et accepte. Le comédien Paul Rudd, qui a été casté pour incarner Scott Lang (l’itération centrale d’Ant-Man dans le film), lui file un coup de main bienvenu, notamment sur l’écriture des dialogues. Et même sur le plateau, qu’il s’agisse de Michael Douglas (qui incarne Hank Pym, première itération du perso dans les comics) ou d’Evangeline Lilly (qui joue sa fille), tout le monde y va de sa petite suggestion pour améliorer le scénario et, surtout, les personnages. Du travail d’équipe qui va payer, comme souvent chez Marvel.

Peyton ne se fait pas de Reed

Ant-Man : Michael Douglas et Peyton Reed

Peyton Reed (à droite) expliquant la « science » derrière Ant-Man à un Michael Douglas (à gauche) qui sourit parce qu’il est poli.

Après une rapide touche de vernis final assuré par Gabriel Ferrari et Andrew Barrer (deux débutants qui bosseront du coup sur la suite, Ant-Man & The Wasp, prévue pour juillet 2018), le film est enfin prêt à être mis en boite. Et il est temps.

Cela dit, pour Reed, malgré un timing serré, la pression n’est pas folle. Plus personne n’attend vraiment grand-chose du film, surtout depuis le départ de Wright. Il débarque en outsider et compte bien en tirer parti. Avec son équipe, Reed en profite du coup pour expérimenter de nouvelles techniques de prise de vue, particulièrement pour les scènes où le bien nommé Ant-Man est réduit à la taille d’un insecte.

Qu’il s’agisse d’effets réels (où le réalisateur fait un gros usage de la macrophotographie) ou de cette scène de rajeunissement via CGI de Michael Douglas au début du film, Marvel explore de nouvelles pistes. Et, sachant que plus personne ne l’attend au tournant, en profite pour faire bosser la division R&D des boites de VFX avec lesquelles ils collaborent, notamment Lola, dont a déjà parlé (c’est à eux qu’on devait le Steve Rogers tout maigrichon des films Captain America). Tant qu’à faire, autant que ce film impossible serve à quelque chose, quitte à ce que ce soit pour expérimenter des idées pour les prochains films. L’idée à ce moment-là, pour les costards-cravates de Marvel, c’est vraiment de sortir de ce bourbier et de rentrer dans leurs frais (la facture s’élève tout de même à 130 millions de dollars, ce n’est pas rien).

Un succès fourmidable (j’assume)

Et vous savez quoi ? Ant-Man va surprendre tout le monde. Ce petit film oublié, passé en épilogue de Phase 2, coincé entre les deux grosses machines que sont Age of Ultron et Civil War, ce petit ovni dont personne n’attendait plus rien, va récolter 520 millions de billets verts à effigie de George Washington. Et aussi un joli succès critique. Même les mecs des Honest Trailers n’ont pas trouvé grand-chose à en redire.

À tel point que Marvel va décider de bousculer le plan de sa Phase 3 pour y inclure sa suite, Ant-Man & The Wasp. Et en profiter pour annoncer trois nouveaux films pour 2020, sans préciser pour l’instant de titres. Ce qui nous donne un total de 14 films pour la phase 3, soit plus que les Phases 1 et 2 réunies. Ambitieux.

Mais ça, on en reparlera dès que Captain America: Civil War sera sorti. Pour l’heure, il est temps de clôturer cette (longue) saga sur Marvel Studios et son fantastique MCU, et de concentrer mes dossiers sur d’autres œuvres, qu’elles soient ciné, télé ou même ludiques. Nope, je n’ai pas encore choisi ! En attendant, j’espère que cette première grosse tripotée de papiers thématiques vous aura plu. Promis, il y en aura d’autres, et sur des sujets plus variés. En ce qui concerne Marvel, rendez-vous quelque part du côté du mois de mai.

So long, true believers…

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


Note : cet article est l’équivalent de 4 à 5 6 à 7 pages de magazine. Il n’est possible de rédiger des papiers de cette taille que grâce à nos soutiens Paypal, mais surtout à nos patrons. Oui, on sait, c’est pas le bon terme. Mais nous, ça nous fait rire. Et quand on reçoit des sous aussi, d’ailleurs. Du coup, merci à vous, qui mettez la main à la poche pour nous inciter à bien bosser ! Et si vous n’avez pas encore franchi le pas, pensez à soutenir Geekzone pour que nous puissions augmenter la cadence !

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