Soundcloud Go : le site musical se lance dans le streaming payant

Pour essayer de sortir (enfin) du rouge et dégager du bénéfice, Soundcloud lance Soundcloud Go, un tout nouveau service par abonnement destiné à venir chasser Apple Music et Spotify sur leurs terres. Une belle ambition sur le papier, mais qui dans les faits ressemble surtout à un dernier geste désespéré avant la banqueroute.

Soundcloud GoPour Engadget « c’est un fouillis, […] une plaie à utiliser ». Pas mieux du côté de The Verge qui constate avec euphémisme « qu’il y a encore du taf ». Bref, il y a comme une forte odeur de peinture fraîche sur ce nouveau service… Mais passées ces considérations purement ergonomiques, que va vraiment changer Soundcloud Go dans le paysage de l’industrie musicale aujourd’hui ? Tentons de faire le point.

On vous en parlait au début du mois (avec l’annonce de l’embauche d’Alison Moore au poste de CRO), Soundcloud tente en ce moment le tout pour le tout pour atteindre enfin ce seuil de rentabilité tant espéré qui, depuis la création de la société en 2007, tarde à se concrétiser.

L’idée derrière Go est simple et en gestation depuis un moment (les premières fuites en parlant remontent à juillet 2015) : proposer une extension au service gratuit via un abonnement mensuel, extension donnant accès à un catalogue de morceaux étendu fourni par les labels, principalement les majors.

Le service étant pour le moment disponible exclusivement aux États-Unis, nous n’avons pas pu encore l’expérimenter en conditions réelles, mais on peut malgré tout déjà se permettre d’en commenter la finalité. Passons en revue l’annonce officielle et voyons ce qui s’annonce cool et ce qui coince…

  • 10$ par mois pour accéder au service : pas de surprise ici, c’est a priori le « sweet spot » pour un service du genre, et c’est raccord avec les tarifs pratiqués par la concurrence.
  • Un catalogue étendu de 150 millions de titres : oui mais en fait non, parce que parmi ces 150 millions de titres annoncés, seul un faible pourcentage (environ 15 millions) sont des morceaux officiellement publiés par leurs labels respectifs, le reste étant composé de morceaux mis en ligne par les utilisateurs et donc accessibles gratuitement. Au final, pas de quoi pavoiser face aux discothèques d’Apple Music ou Spotify, bien plus fournies (environ 30 millions de titres). Même si Soundcloud précise que le catalogue est toujours en cours d’aménagement et que tout n’est pas encore en ligne au moment du lancement.
  • Ecoute hors ligne : là aussi, rien de surprenant, Soundcloud ne fait que s’aligner sur la concurrence en proposant aux utilisateurs de profiter de leurs playlists, même sans connexion au web.
  • Sans pub : et tout à coup, on comprend mieux pourquoi Soundcloud s’est mis à introduire l’année dernière des « contenus sponsorisés » dans ses flux, tout en bêta-testant l’intégration de pubs audio entre les morceaux. Sans conteste pour préparer le terrain de cette nouvelle offre payante et en justifier le coût.
  • Algorithme de découverte : pour tenter de ne pas froisser ses « early adopters » (les producteurs indépendants, qui ont permis à la plateforme de se faire connaitre), Soundcloud fait miroiter la possibilité pour des artistes inconnus ou non signés de se faire une place au soleil, via un algorithme de découverte dont on ne sait pas grand chose pour le moment, mais qui devrait en théorie leur permettre de s’immiscer dans les playlists entre deux tubes du moment. Mouais, je demande à voir : l’algo actuel de recommandations est souvent loin d’être pertinent (pour rester poli).

Bref, rien de bien neuf sous le soleil. Le gros élément absent de cette annonce, c’est le délicat problème de la monétisation. Jusqu’ici, pour gagner sa croûte en postant des morceaux sur la plateforme, il fallait être Premier Partner. Un statut qui n’est accessible que sur invitation et réservé à une petite frange d’artistes triés sur le volet (principalement des majors, comme toujours).

Le site promet de mettre en place prochainement des outils qui permettront à tout un chacun de toucher sa dîme sur sa musique, mais comme ça fait un moment que la promesse a été faite, sans que rien n’ait réellement évolué jusqu’ici, on se permettra d’émettre un gros gros doute sur leur sincérité. D’autant que pour le moment, ce sont exclusivement les « Premier Partners » (donc surtout les majors, une fois de plus) qui vont pouvoir se remplir les poches, même si ce sont des compositions gratos d’utilisateurs que les gens écoutent.

Pourtant, des solutions faciles à mettre en place existent. Il suffit de regarder comment fonctionne Mixcloud qui permet aisément à chaque DJ qui met en ligne son mix de spécifier les morceaux joués, pour que les artistes puissent ensuite être rémunérés (modestement, certes, mais tout de même). Chez Soundcloud, on cherche toujours une solution…

De vous à moi, tout ça ressemble surtout à une nouvelle concession faite aux majors, sur le dos des utilisateurs historiques du site. Et si ce nouveau service payant pourrait en théorie offrir un second souffle financier à la société, il démontre également que Soundcloud a définitivement tourné le dos à sa vocation initiale : celle de permettre aux artistes de tous bords (amateurs, indés et pros) de partager leur musique sur une plateforme commune et d’en faire facilement la promotion.

Pas sûr au final que ça fasse revenir les nombreux artistes qui ont déjà claqué la porte face à la politique de plus en plus agressive du site vis-à-vis des contenus copyrightés. Des contenus pourtant légitimes car liés à la notion de « fair use » (mixes DJ, mashups), mais que le site traque sans pitié depuis qu’il a refilé les clés de la maison aux majors. On comprend mieux pourquoi aujourd’hui.

Pendant ce temps-là, Spotify vient de lever un milliard de dollars supplémentaires pour, je cite, « se développer et faire du marketing » (comprendre « se préparer pour faire face au probable rouleau compresseur que va devenir Apple Music »). Une nouvelle manne accordée contre des conditions particulièrement astreignantes mais qui permettra à la société suédoise de s’élever dans des sphères dont Soundcloud n’entendra probablement jamais parler. Sauf si Spotify les rachète, ce qui n’est à terme pas complètement exclu…

Vous devriez également aimer…