Viva la Libertad ! Les bons conseils pour se mettre à son compte

Pas de panique, vous êtes toujours sur Geekzone ! Ce papier, proposé par un de nos membres, diffère de nos sujets classiques, mais il nous semblait intéressant de le publier, à une époque où de plus en plus de personnes décident (par choix ou par nécessité) de se mettre à leur compte. C’est particulièrement vrai dans le secteur de l’informatique au sens large, ce qui justifie d’autant plus de passer cet article ici. Il vous donnera de bonnes bases pour avancer dans votre réflexion, sur un ton un peu moins pénible que les dossiers habituels sur le sujet. En tout cas, c’est ce que nous espérons !

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Vous en avez marre que Raymond, le capo de service de votre boite vous tanne à longueur de journée ? Le train-train 9h – 18h vous file des mycoses au fondement ? Vous ne supportez plus de piétiner votre ego et vos valeurs tous les ans pour obtenir vos 0,7% d’augmentation parce que vous comprenez, “c’est la crise Roger, c’est le mieux que je puisse faire et crois-moi, t’as eu la meilleure augment’ de toute la boite !”. Il est peut-être temps d’arrêter de vous trouver des excuses et de vous mettre à votre compte !

Ouais, t’es bien sympa, mais moi je ne sais pas comment on fait, et puis ça à l’air super compliqué ton truc là ! Et puis j’ai pas le temps, j’ai encore trois Pikagruik et deux Cancéropaf à attraper alors que la batterie de mon mobile est presque morte. Et de toute façon, ce n’est pas en claquant des doigts que je vais me transformer en Bill, Steve ou Mark !

Eh bien si ! Oui, bon, enfin presque.

La liberté pour tout le monde ?

Dans les faits, n’importe qui peut devenir son propre patron, mais si vous ne voulez pas finir sous les ponts au bout d’un an, quelques conditions sont évidemment à respecter. Tout d’abord, vous devez être compétent. Une évidence digne de Captain Obvious me direz-vous, mais si vous n’avez rien à vendre, vous n’intéresserez personne. Du coup, à moins d’être un petit génie, je ne conseillerai pas à un jeune diplômé de se mettre à son compte. Faites-vous un minimum d’expérience dans une boite avant de vous lancer.

Vous êtes d’une timidité maladive ou un asocial pathologique ? Oubliez l’idée également ! Vous allez devoir vous vendre et donc faire preuve d’une certaine aisance en public. Ce qui amène un autre point : le look ! Vous êtes goth ou hardos pur jus ? Il va falloir mettre de l’eau dans votre bière et ranger les piercings. Le premier contact avec un client potentiel est très important. Si vous lui faites peur avant même d’exposer vos compétences, vous risquez de faire chou blanc à chaque entretien. C’est évidemment plus ou moins vrai selon les milieux et un look original peut parfois devenir un avantage, mais il faut savoir s’adapter à la situation.

Soyez organisé. Vous allez devoir gérer non seulement votre travail, mais aussi tout le coté administratif de votre activité. Une erreur dans vos déclarations, un oubli de paiement de charge et l’administration ne vous ratera pas. Vous pouvez vous mettre dans une panade inextricable en négligeant cet aspect du boulot. Un comptable peut dans ce cas être très utile (voire obligatoire selon votre statut) et vous éviter de mauvaises surprises.

Bon, j’ai tout ça, on se lance ?

Pas de précipitation : se mettre à son compte nécessite tout de même une petite préparation. À commencer par le gros morceau : quel statut allez-vous choisir ? Il existe quatre statuts permettant la mise en place d’une entreprise unipersonnelle et il faut en faire le tour pour savoir quoi piocher.

L’auto-entrepreneur

Appelé aussi micro-entreprise, c’est le tout premier pas possible dans le monde de l’entrepreneuriat. Créé en 2008, il permet de monter sa société unipersonnelle très simplement. Je ne vous détaillerai pas les démarches, vous aurez tous les détails sur le site officiel.

Ce qu’il est important de savoir, c’est que votre chiffre d’affaires ne devra pas dépasser 82 200€ si vous avez une activité de vente de biens physiques et 32 900€ s’il s’agit d’une activité de prestations de services (vous vendez votre compétence). De plus, vous paierez l’ensemble de vos charges et impôts (impôt sur le revenu compris, sous conditions) proportionnellement à votre chiffre d’affaires, grâce à un versement unique (appelé aussi “prélèvement libératoire”).

Autres faits importants : si vous ne gagnez rien, vous ne devez aucune charge (à l’inverse des autres statuts, qui sont soumis à une franchise) et vous n’êtes pas soumis à la TVA. Il existe d’autres conditions et avantages que je ne détaillerai pas ici, sachez simplement qu’il s’agit du statut idéal si vous débutez avec une activité ayant un CA (Chiffre d’Affaires) limité et que vous voulez limiter les tâches administratives et la prise de risque.

L’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL)

Très similaire au statut de la micro-entreprise (pas de création de personne morale), il diffère de ce dernier par le fait que vous n’êtes plus limité par votre CA, mais que vous devez vous acquitter de vos charges, comme une entreprise classique. La création reste cependant simple et accessible via le Net sur le site de l’URSSAF, en remplissant un dossier. Vous pourrez monter votre boite sans frais et en une semaine grand maximum.

Les points importants à connaître côté EIRL

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Les taxes et charges : personne n’aime gérer ça, mais n’oubliez pas de vous occuper de cet aspect de votre business !

Vous devrez gérer l’ensemble de vos déclarations de charges sociales avec l’URSSAF (allocations familiales, CSG, RDS), le RSI (sécurité sociale) et la CIPAV (retraite). Vous pouvez être soumis à la TVA. C’est-à-dire que vous facturerez TTC à votre client et devrez reverser la TVA à l’État tous les mois, après l’avoir déduit de vos achats professionnels. Vous devrez aussi déclarer l’ensemble de vos revenus nets d’entreprise à l’impôt sur le revenu.

Enfin, vous n’êtes pas obligé de vous adjoindre les services d’un comptable pour gérer les différentes déclarations. Je vous conseille malgré tout l’utilisation d’un logiciel de compta pour vous simplifier la vie. Le logiciel préféré des EIRL est BNC Express, de par sa simplicité et son coût réduit, mais vous pouvez parfaitement transmettre votre compta via une simple feuille Excel.

Ce statut est souvent plébiscité par les consultants informatiques dont le CA ne dépasse pas les 90 000€ / an. Au-delà, mieux vaut opter pour le statut d’EURL pour des raisons d’optimisation fiscale.

L’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL)

Ce statut est très proche de l’EIRL, avec quelques nuances évidemment ! L’EURL est une entreprise nécessitant la création d’une personne morale (obtention du fameux Kbis) et cette opération n’est pas gratuite. Elle implique une annonce légale et des frais de greffe, plus éventuellement la rédaction des statuts par un avocat. C’est donc un peu plus contraignant. Vous trouverez un résumé des démarches à suivre sur ce site.

Vous devez également faire appel à un cabinet d’avocats pour la gestion courante officielle de votre entreprise (déclarations de charges notamment). Votre structure est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) et le gérant (vous), à l’impôt sur le revenu. L’entreprise est évidemment soumise à la TVA.

Pour des raisons fiscales, ce statut est à privilégier si vous prévoyez un CA supérieur à 90 000€. En effet, vous paierez plus d’impôts à CA égal en EIRL ! Vous trouverez les explications ici.

La Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU)

C’est une forme de SARL, mais avec un seul salarié : vous-même. Identique en tous points à l’EURL, si ce n’est que vous êtes salarié unique de votre propre entreprise. Le plus gros avantage de ce statut est que vous bénéficiez des mêmes protections sociales que n’importe quel salarié de France, à l’exception du chômage (j’y reviendrai plus tard). Les avantages de ce statut ne sont pas flagrants par rapport à l’EURL, si ce n’est que vous deviendrez président. PRÉSIDENT, WOOOT ! I AM THE CEO BABY !!! Ahem, pardon. Vous trouverez les détails sur Le Coin des Entrepreneurs.

C’est bien beau, mais pourquoi je quitterais mon poste salarié ?

Comment ? Vous n’avez pas lu le titre ? Pour la liberté bien sûr ! La plus grosse satisfaction d’être son propre patron, c’est de décider réellement de l’évolution de votre carrière, sans fil à la patte. Vous choisissez vos missions, vos clients et votre lieu de travail. Si vous avez mis assez d’argent de côté, et que vous voulez vous arrêter un an, rien ne vous en empêche ! Vous pouvez gérer votre temps de travail comme bon vous semble.

Autre raison, et non des moindres, pour le pognon ! Les brouzoufs, l’oseille, le flouze, le nerf de la guerre quoi. Si vous menez bien votre barque (et c’est un gros “si”, nous sommes d’accord), vous gagnerez largement mieux votre vie. À titre personnel, mes revenus ont augmenté d’environ 80%. Certes, j’étais mal payé en tant que salarié SSII (37 000 € brut /an avec 14 ans d’expérience), mais quand même !

En fonction de votre situation familiale, les charges et impôts représenteront de 55% de votre CA (pour un célibataire) à 34% de votre CA (dans mon cas, marié et trois gosses). Pour chiffrer tout ça, disons que si vous êtes célibataire et que vous faites 100 000€ HT de CA par an, votre net sera à peu près de 45 000€. Attention, ce calcul au doigt mouillé ne tient pas compte de vos frais divers durant l’année (transport, nourriture, matériel, etc.).

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Bon OK, mais où est le piège ?

Il n’y en a pas, mais il faut bien comprendre les contraintes que ça implique. La principale est que si vous ne travaillez pas, vous ne gagnez rien. Il est en effet impossible à un indépendant de cotiser au chômage et donc de prétendre à une indemnisation en cas d’activité nulle. Au mieux, vous pourrez bénéficier du RSA, mais uniquement sous certaines conditions énumérées ici.

Vous ne dépendez plus du droit du travail et par conséquent, les multiples protections des salariés ne s’appliquent plus à vous. Lorsque vous signez un contrat avec un client, c’est le droit du commerce qui s’applique. En d’autres termes, faites très attention à ce que vous signez et surtout, n’oubliez pas que vous avez votre mot à dire sur le contenu de ces contrats !

Sachez aussi que ce n’est pas parce que vous ne bossez pas que notre État adoré ne vous réclamera pas de charges. À l’exception du statut d’auto-entrepreneur, si vous ne gagnez rien pendant un an et que votre société est toujours déclarée, vous paierez malgré tout un forfait minimum. Vous trouverez le calcul de ce minimum (pour 2014) sur cette page.

Même pas peur, je me lance. Un dernier conseil ?

Plusieurs en fait.

Je remets ma cape de Captain Obvious, mais trop de gens oublient ce détail : ne créez jamais votre entreprise avant d’avoir trouvé votre premier client ! Comme je le disais plus haut, ce n’est pas parce que vous ne gagnez rien que vous ne payez rien !

Prévoyez vos charges futures. Celles-ci sont calculées d’abord sur la base d’un forfait, puis à CA année N-1 pour l’URSSAF / RSI, et à CA année N-2 pour la CIPAV. L’erreur du débutant est de se prendre pour le roi du pétrole après avoir encaissé ses premières factures, et de tout claquer en bagnole, bières et Pokémon™.

Dans le même esprit, mettez de côté en prévision de vos congés. Vous pouvez aussi tomber malade ou avoir un accident qui vous empêche de travailler ! Il est possible de minimiser ces risques via des assurances prévoyance dédiées aux libéraux, mais elles ne sont pas données. À vous de peser le pour et le contre.

Si vous travaillez sur du matériel ou des données sensibles (industrie, banques, assurances par exemple), prenez une bonne assurance professionnelle ! Cela vous coûtera dans les 500€ à l’année, mais croyez-moi, ce n’est rien à côté des millions que vous réclameront vos clients si vous plantez leur production pendant une semaine…

Protégez votre patrimoine. En EIRL, vous êtes l’entreprise : les dettes de celle-ci sont aussi celles de votre famille. Si vous faites essentiellement du conseil, vous ne risquez pas grand-chose, mais dans le cas d’une activité commerciale, c’est une autre histoire.

Je terminerai par ceci : soyez cool et sympathique avec vos clients, même s’ils vous cassent les bonbons. Si vous devez terminer une relation commerciale, faites-le avec panache. Votre meilleure publicité, c’est le bouche-à-oreille, ne foutez pas tout en l’air sur un pétage de plombs, vous pourriez le regretter amèrement. Le monde est petit, surtout depuis que tout se partage via Internet…

Bref, soyez malin, soyez pro. C’est suffisamment rare pour que ça soit très apprécié et que ça vous garantisse un vivier de clients fidèles très rapidement.

C’est tout ?

Eh oui ! Je ne prétends pas vous livrer ici la bible du parfait entrepreneur, d’autres le feront mieux que moi. J’espère simplement que cet article vous aura donné envie de vous lancer ou, a minima, va déclencher une réflexion saine sur vos options futures, en vous donnant les clés pour avancer en toute connaissance de cause. Non, ce n’est pas si simple (ça se saurait), mais le jeu en vaut la chandelle.