Mastodon, le nouveau Twitter ?

Il y a quelques jours, je pestais justement contre Twitter, et sa légendaire incompréhension des us et coutumes de son propre outil, me demandant si quelqu’un, un jour, allait se décider à venir lui faire concurrence. Avec Caf, on misait beaucoup sur App.net, mais malheureusement, il a depuis passé l’arme à gauche. Timing impeccable pour Mastodon, le nouveau service de micro-blogging décentralisé open source, qui connaît depuis octobre 2016 un essor certain. Mais c’est quoi au juste, Mastodon ? Et quel intérêt par rapport aux services existants ? Essayons d’y voir plus clair…

MastodonÀ une époque où Twitter semble avoir de plus en plus de mal à gérer son absence de rentabilité, et où l’on peut sérieusement douter de sa pérennité à long terme, les plus aventuriers d’entre-nous cherchent depuis un moment des alternatives viables. App.net avait un moment fait illusion, proposant en gros un Twitter payant, mais du coup également (et c’était son gros avantage) un processus plus sélectif à l’entrée. Malheureusement, le site a fermé ses portes récemment, faute de revenus suffisants. Du coup, l’arrivée de Mastodon est suivie avec grand intérêt par les aficionados des réseaux sociaux, histoire de voir si le service va pouvoir s’imposer.

Les deux principaux arguments mis en avant par Eugen Rochko, son créateur, sont la décentralisation et la nature open source du projet. En clair, qu’est-ce que ça signifie ?

  • Service décentralisé : plutôt que de tourner sur une seule instance centrale, à l’instar de Twitter où tout est concentré sur leurs serveurs, Mastodon se présente comme un service à installer, dont toutes les instances communiquent de manière plus ou moins transparente (on reviendra sur le « plus ou moins ») ;
  • Open source : le code est accessible à tous et, pour Rochko, ce n’est pas un point anodin : « Mastodon n’est pas construit pour vendre vos yeux ou vos analytiques aux publicitaires. Permettre à quiconque d’inspecter le code et y apporter des améliorations signifie qu’il a été conçu pour les gens, par les gens, sous la surveillance des gens.« 

En clair, le gros argument en faveur de Mastodon, c’est sa capacité à échapper à toute forme de contrôle, un élément capital à une époque où les raisons de vouloir protéger sa vie privée et l’accès à ses données n’auront jamais été aussi nombreuses.

Mais cette volonté de décentralisation est aussi ce qui, pour le moment, impose de très fâcheuses limites au service. La principale étant l’incapacité d’obtenir une identité unique, transversale à toutes les instances. Aujourd’hui, si vous souhaitez prendre part à cette nouvelle conversation, vous devez impérativement choisir un serveur sur lequel vous inscrire. Du coup, si vous créez votre compte sur Mastodon.social (fermé aux nouveaux enregistrements pour le moment), rien n’empêche un petit plaisantin d’aller créer le sien, avec le même ID, sur octodon.social.

Pour vous différencier sur le service, Mastodon va donc vous identifier par votre pseudo, mais également votre instance d’origine. En l’occurrence, pour Geekzone : geekzone@octodon.social). Oui, c’est comme un email en fait. Du coup, l’importance du domaine sur lequel est hosté votre instance va s’avérer capitale pour légitimer votre compte. Si on décide un jour d’installer le service chez nous, on pourra par exemple se créer des comptes @geekzone.social qui valideront de facto leur authenticité.

Une autre nouveauté réside dans l’apparition de deux timelines :

  • une « locale » qui diffuse les messages publics de tous les utilisateurs connectés à la même instance que vous ;
  • et une « fédérée » qui regroupe presque toutes les instances, en tous cas celles intégrées dans ce qu’ils appellent le Fediverse.

Pour plus d’informations sur l’UX de la bestiole, je vous invite à lire le billet très complet d’Aladrone.fr sur le sujet, vous devriez y trouver toutes les réponses à vos questions.

Mastodon (Faskil)

Oui, ça ressemble vachement à Tweetdeck. Et ce n’est pas forcément un compliment.

Pour le reste, les habitués de Twitter seront en terrain connu. En dehors d’une limite de caractères gonflée à 500, c’est peu ou prou la même chose. Un tweet s’appelle désormais « toot » (ou « pouet », en français), on peut répondre, « liker », retweeter (on parle ici de « boost »), mettre des hashtags… Bref, tout ce qu’on pouvait déjà faire chez l’oiseau bleu d’en face.

Si, sur le papier, Mastodon a tout pour plaire, on ne peut que constater dans la pratique qu’on est encore loin du compte. Quelques bémols importants sont à signaler.

L’un des gros inconvénients de la décentralisation, comme on l’a vu, c’est l’impossibilité d’obtenir et de sécuriser une identité unique, propagée sur toutes les instances. Du coup, pour l’habitué de Twitter, c’est un peu déconcertant d’avoir à ajouter un @service après le pseudo, pour être sûr de s’adresser à la bonne personne. Un souci qui explique d’ailleurs la multiplication des comptes « fake » de célébrités, problématique renforcée par l’absence (pour le moment) d’un système de certification.

L’autre inconvénient, majeur lui, c’est que vous êtes du coup tributaire des compétences en sécurité de la personne qui héberge l’instance, avec un côté aléatoire qui n’est pas vraiment propice à une grande sécurisation. Certaines instances sont donc potentiellement plus « safe » que d’autres, reste à savoir lesquelles.

Pareil pour la modération : chaque instance impose ses propres règles internes, un peu comme un forum. C’est le taulier qui décide de ce que vous avez ou non le droit de dire. En somme, c’est la porte ouverte à tous les abus, avec l’absence (pour le moment) d’une charte et d’une modération communes. Il ne m’a pas fallu 24h pour voir apparaître dans ma timeline des choses plutôt discutables, et ça ne risque pas de s’arranger avec l’afflux de nouvelles personnes.

Mastodon (Geekzone)

C’est encore un peu dégarni, mais vous pouvez d’ores et déjà nous retrouver sur https://octodon.social/@Geekzone.

Les aléas sont donc pour le moment, en ce qui me concerne, assez rédhibitoires, mais le service est encore très jeune, et voué à s’améliorer. Au pire, ça motivera peut-être enfin Twitter (qui revendique tout de même 319 millions d’utilisateurs actifs, contre à peine 42.000 pour Mastodon) à se bouger les plumes pour faire de vraies choses utiles avec son outil.

Pour une liste complète des instances, et leur statut, une liste dynamique a été mise en place. Vous pouvez la retrouver ici : https://instances.mastodon.xyz/.

Mastodon, un service encore un peu jeune, mais néanmoins à surveiller. Cela dit, gardons aussi les pieds sur terre : malgré une vague de « hype » bien perceptible ces derniers jours, rien ne dit que le projet ne va pas s’essouffler aussi vite qu’il n’est apparu. Vous vous souvenez quand Ello devait remplacer Facebook ?

Vous devriez également aimer…