Pourquoi je ne pleurerai pas la mort de SoundCloud…

Après le licenciement de 173 personnes et la fermeture de leurs bureaux de San Francisco et Londres, la rumeur enfle depuis quelques jours sur le web : SoundCloud s’apprêterait à mettre la clé sous la porte dans quelques semaines. Grosse émotion sur le web où tout le monde y va de son petit cri d’agonie pour rager contre la disparition du service. Mais est-ce que c’est vraiment aussi grave qu’on le lit ?

SoundCloud (logo)

Disclaimer : j’ai des potes qui bossent chez SoundCloud, notamment dans leurs locaux de Berlin, et la fermeture d’une boite n’est jamais un chouette moment. Mais au-delà de l’empathie somme toute naturelle dont on peut faire preuve à l’égard des malheureux employés qui vont devoir se trouver un nouveau taf, il serait sain de mettre de côté l’indignation facile pour prendre le temps de faire un constat un peu plus honnête.

Si SoundCloud est aujourd’hui en train de mourir, c’est avant tout et quasi exclusivement de leur faute…

Fondé en septembre 2007 en Suède par Alexander Ljung et Eric Wahlforsss, le site a très tôt su s’attirer les bonnes graces de la scène indépendante et des musiciens amateurs. Un positionnement qui lui a permis d’atteindre le million d’utilisateurs en un an à peine, des « early adopters » que le site va réussir à se mettre à dos dès 2014, quand il va commencer à fricoter dangereusement avec les majors du disque. Un peu par obligation certes, la société n’ayant clairement pas pris le temps de se préparer un vrai business model qui tienne la route…

De portail communautaire alternatif cool, le site va se transformer progressivement en zone policée par les gros bras de l’industrie musicale, enchaînant les « takedowns » de morceaux copyrightés, parfois même (absurdité suprême) sur les comptes de leurs propres auteurs. Voilà ce qui arrive quand on donne à l’industrie les pleins pouvoirs pour faire elle-même le ménage. Un choix vécu comme une trahison par ses utilisateurs et qui va provoquer un début d’exode vers d’autres plateformes, certaines comme Hearthis créées spécifiquement pour récupérer l’audience du site orange.

Déjà décrié par ses adhérents originels, SoundCloud va en outre enchaîner les mauvaises décisions et continuer de creuser tout seul sa tombe : partenariat avec Zefr (une société de tracking) en 2015 pour faciliter le taf de protection des copyrights, suppression des groupes en 2016, sans oublier des changements réguliers d’UX pour le moins discutables (comme la suppression de l’embed sur Facebook), ou la mise en place de services dont personne ne voulait, sauf les majors (coucou SoundCloud Go). Le résultat : des pertes colossales ces dernières années (44 millions en 2014, 52 en 2015) et une fuite assez significative des utilisateurs vers d’autres plateformes moins verrouillées.

Récemment, le site avait regagné un peu d’estime grâce au plébiscite de la nouvelle génération de podcasteurs, une mouvance qui pour le coup m’a toujours laissé hautement dubitatif : certes, l’interface est pratique pour commenter et diffuser, mais quid de l’absence totale de toute possibilité d’identifier clairement son audience (comme sur Bandcamp) ? Quel intérêt pour un podcaster d’aller s’enfermer dans une plateforme ultra verrouillée, sans interface avec les softs dédiés, et des outils d’analytique pour le moins rudimentaires ? Mystère.

Toujours est-il qu’aujourd’hui, nonobstant les pertes d’emploi, il est difficile de s’émouvoir de la mort du site. Pour le coup, on peut vraiment dire qu’ils auront tout fait pour… Si la rumeur se confirme, SoundCloud pourrait donc fermer ses portes d’ici 80 jours. Si c’est le cas, on souhaite à ses anciens employés de retrouver rapidement du taf dans le milieu, et pourquoi pas, en apprenant de leurs erreurs, de nous réinventer un nouveau et meilleur Soundcloud ? Des alternatives existent, comme BandcampHearthis, dont je parlais plus haut, 8Tracks, ou encore Mashtix (dédié aux mashups) et Mixcloud (pour les DJ). Mais l’ingérence des majors, inévitable dès qu’un site atteint une masse critique d’utilisateurs, est à nouveau au cœur du problème. Et ce n’est a priori pas près de changer…

Vous devriez également aimer…