Réaliser son podcast : les bases pour bien se lancer

C’est la rentrée, et comme chaque année, un paquet d’animateurs radio en herbe vont se lancer dans la confection d’un podcast (le média à la mode) pour partager leurs centres d’intérêt. Et si c’est une excellente chose (plus on est de fous, tout ça), il ne faut pour autant pas perdre de vue que la passion ne fait pas tout. Un peu de rigueur technique va également être nécessaire si vous souhaitez vous démarquer du lot. Ça tombe bien, j’ai justement quelques modestes conseils à vous prodiguer…

Tips Podcasting

Alors, ça y est, vous avez décidé de vous lancer dans le monde merveilleux du podcasting ? Vous vous êtes dit que vous ne deviez pas être le seul à vouloir débattre pendant des heures des bienfaits de cette série obscure des années 70, ou encore qu’il manquait d’une émission sur la danse synchronisée, et vous avez bien l’intention d’aller combler cette lacune. Vous avez déjà rassemblé une petite équipe d’experts et convenu d’un rendez-vous mensuel pour mettre tout ça en boite.

L’occasion pour moi de vous filer quelques tips pour que le résultat soit à la hauteur de vos attentes. Notez qu’on ne parlera ici que de l’aspect technique, la diffusion et le gain de notoriété étant un tout autre exercice (sur lequel on aura peut-être l’occasion de revenir ultérieurement). Mais pour l’heure, des tips pour que le son soit bon…

Le matos est important, mais pas tant que ça

Tips PodcastingOn dit souvent que pour avoir un son « pro », il faut forcément investir dans du matériel coûteux. C’est à mon sens une idée reçue à laquelle il faut tordre le cou. Bien entendu, n’espérez pas produire quelque chose de qualité si vous enregistrez votre voix avec le micro de votre webcam. Mais pas la peine non plus de sortir le chéquier pour se payer le dernier cardio à la mode. Un budget de 50 à 100€ suffira amplement pour un micro correct qui devrait vous assurer une prise de son propre et audible. (On essaiera de vous concocter un petit guide à l’occasion, mais n’hésitez pas à poster vos recommandations dans les commentaires).

Sur Geekzone, comme vous le savez sans doute, on est particulièrement fan du Blue Yeti. Mais il est important de signaler qu’il a tendance à capter une partie des sons ambiants (même en mode cardio directionnel), faiblesse qui peut s’avérer problématique si vous enregistrez à plusieurs dans la même pièce, chacun avec un micro dédié. En revanche, si vous avez l’intention de faire du podcast en solo, ou d’enregistrer vos émissions en ligne (via Mumble, par exemple), pas de souci.

Quoi qu’il en soit, plus important que la qualité intrinsèque de votre micro, c’est surtout l’homogénéité de votre matos qui va avoir son importance. Si vous flashez pour un micro « à pas cher », mais que votre pote à l’autre bout du fil bosse avec un système pro à 500 brouzoufs, vous allez forcément avoir une disparité de timbre entre les deux intervenants. Et ça, c’est un truc qu’on cherche à éviter à tout prix dans un podcast, où l’uniformité doit toujours être la règle.

En résumé : ne claquez pas votre PEL dans un micro de luxe, on trouve du bon matos à des prix abordables. Le plus important, c’est de vous assurer que tous vos intervenants ont peu ou prou le même genre de matériel, histoire de rendre l’ensemble de votre podcast plus homogène.

Optimisez vos niveaux d’enregistrement

Une erreur courante qu’on retrouve dans bon nombre de podcasts (et même dans des vidéos YouTube de vieux routards), c’est l’absence d’optimisation des niveaux. Et rien de plus désagréable que de devoir en permanence tripoter le bouton volume, parce que l’un des intervenants est à peine audible, ou parce que la musique entre les discussions joue beaucoup trop fort.

Certes, la problématique des niveaux peut principalement être abordée en post-production, mais on oublie souvent un peu vite qu’on peut se faciliter grandement la vie si on y prend déjà garde à l’enregistrement. Prenez quelques minutes avant chaque session pour vérifier les niveaux de tous vos intervenants, et vous assurer qu’ils ne sont ni trop fort (risque de saturation, souvent irrécupérable), ni trop faible (risque d’artefacts indésirables à l’amplification).

Si vous bossez avec Mumble, pensez à désactiver la réduction de bruit (dans les options > entrée audio > traitement audio), qui a tendance à maltraiter le son dès que son volume plonge un peu trop vers le bas.

En résumé : avant d’enregistrer, vérifiez que le volume général de vos intervenants soit homogène, sans saturation, ni souffle dû à un niveau trop bas. Et désactivez les fonctionnalités de réduction de bruit de votre logiciel, il y a de meilleurs outils pour ça qu’on peut utiliser en post-production.

Faites des prises multi-pistes !

LDDM

Le multi-pistes, c’est la vie.

Ça va sans doute sembler une évidence pour certains, mais j’ai encore vu récemment des enregistrements de podcasts à plusieurs intervenants, où toutes les voix étaient mélangées sur une unique piste stéréo. C’est une hérésie. Quelle que soit votre configuration (tous dans une pièce ou via le net), il est toujours préférable de procéder à un enregistrement multi-pistes, où chaque intervenant aura son propre fichier son dédié.

Tout simplement parce que cela va vous permettre durant la phase de post-production de travailler plus efficacement sur deux aspects primordiaux : la qualité du son et le dynamisme du montage. Disposer d’une piste isolée pour chaque intervenant va vous permettre par exemple d’éliminer plus facilement des sons indésirables captés par un micro particulier (les miaulements d’un chat, au hasard), de rajouter un peu d’égalisation sur une voix qui vous semble un peu trop basse ou trop aiguë ou même, avec les plugins adéquats, de supprimer tout effet de « bleeding » (débordement du son d’un micro à l’autre qui se produit quand enregistre dans la même pièce).

Oh et si vous bossez avec Mumble, demandez à vos intervenants de procéder eux-aussi à l’enregistrement. Ça vous permettra de récupérer chaque prise à la source, et contourner ainsi d’éventuels soucis de brève déconnexion en cours d’enregistrement.

En résumé : enregistrez toujours vos sessions en multi-pistes, une piste par intervenant. Cela vous permettra de faire un boulot beaucoup plus chirurgical en post-production, et vous offrira plus de latitude pour améliorer la qualité sonore de votre podcast.

« Réparez » vos pistes

Montage

Prenez la peine d’espacer vos conversations croisées ou de raccourcir les silences indésirables. Vos auditeurs vous remercieront.

On vient d’en parler : l’avantage d’enregistrer en multi-pistes, c’est de pouvoir ensuite traiter vos différents intervenants séparément. Dans le cas où l’une des prises présenterait un problème relativement rédhibitoire, vous allez ainsi pouvoir la traiter séparément, sans affecter les autres.

Le problème qu’on rencontre le plus fréquemment, surtout si on bosse via Mumble, c’est le très indésirable « clipping », ce « clic » sec et désagréable qui se manifeste chaque fois qu’un intervenant dépasse le seuil de saturation. Pour s’en débarrasser, il existe des solutions payantes (comme le RX d’iZotope), qui intègrent un outil dédié à l’éradication de ce genre de problèmes. Mais si vous n’avez pas de budget, vous pouvez également réparer ces bruits parasites à la main (je vous montrerai comment dans un prochain tuto).

En résumé : profitez de cette phase pour refaire une balance globale de vos différents intervenants, vérifier que les timbres sont le plus « raccords » possible (c’est à dire que vous n’avez pas un intervenant moins fort, ou avec un son beaucoup plus métallique que les autres), et s’assurer qu’aucun bruit parasite ne subsiste (le cas échéant, traitez-le avec l’outil adéquat).

Par pitié, prenez le temps de monter vos émissions

Montage

Coup de vieux : j’ai connu et pratiqué le montage à l’ancienne sur bande analogique…

C’est sans conteste, avec l’uniformisation du volume des intervenants, l’aspect le plus négligé dans la majorité des podcasts du marché, et pourtant : le montage est ESSENTIEL. Un enregistrement (surtout via le net, ou les risques de « lag » entre les intervenants sont assez élevés) est rarement dynamique du premier coup. Votre boulot, en post-production, va notamment consister à rendre le déroulé de vos conversations plus fluide.

Pour ce faire, vous allez devoir agir sur plusieurs aspects de votre enregistrement :

Raccourcir les délais entre les échanges

Avec le lag, ou la pression d’un enregistrement, il arrive parfois qu’on ne parvienne pas à obtenir un échange dynamique et où les moments de silence, même brefs, sont légion. Les raccourcir va rendre vos conversations plus vives, moins brouillonnes, et votre podcast plus agréable à l’écoute de manière générale. Veillez toutefois à ne pas les raccourcir de trop : parfois, certains silences sont nécessaires et les supprimer complètement peut rendre la coupure perceptible.

Supprimer les hésitations, savonnages ou autres « euuuh… »

Oui, c’est du taf, mais vous n’imaginez pas à quel point l’extermination de toutes ces errances peut changer la dynamique de votre émission du tout au tout. Ici aussi, usez de l’outil avec modération : ne forcez pas la réparation d’un bafouillage si cela donne une sensation d’élocution artificielle à vos auditeurs. Comme pour les silences, à vous de juger ce qui mérite d’être éradiqué ou pas.

N’hésitez pas à décaler les pistes son de vos intervenants quand ils se marchent dessus

Ça arrive assez fréquemment : deux intervenants se mettent malencontreusement à s’exprimer en même temps, rendant leurs propos respectifs incompréhensibles. Le cas échéant, n’hésitez pas à décaler de quelques secondes leurs pistes pour rendre le tout plus clair. Mais encore une fois, n’abusez pas du procédé : il est parfois bon de garder ces superpositions de voix, pour ne pas perdre le dynamisme d’un échange plus passionné.

En résumé : le montage est une phase à ne pas négliger. Prenez le temps nécessaire pour supprimer tout ce qui nuit à la fluidité de vos échanges, sans toutefois en abuser, au risque de leur faire perdre tout naturel. Pro-tip : n’hésitez pas à monter en vitesse accélérée pour gagner du temps (mais gardez à l’esprit que les silences vous sembleront plus courts également et que vous risquez de zapper les dispensables à l’écoute).

Tapis ou pas tapis ?

On me demande souvent : est-ce qu’il primordial de mettre un fond musical aux podcasts parlés ? La réponse est non, c’est surtout une affaire de goût. Personnellement, j’aime bien avoir un tapis sonore pour des raisons pas forcément objectives (je trouve que ça « emballe » les voix et rend l’ensemble plus vivant que de la simple parlote, mais ça se discute, tout le monde n’aura pas forcément le même avis).

Si vous choisissez d’en glisser un, gardez néanmoins à l’esprit que celui-ci doit pouvoir se faire discret. Évitez les habillages musicaux trop présents, ou trop agressifs, et privilégiez des sons neutres et doux, à un volume relativement bas, pour ne risquer de distraire l’auditeur. Évitez par exemple les genres musicaux très généreux en sons aigus, qui ont tendance à être plus envahissants.

En résumé : c’est comme vous voulez, tant que ça reste discret et ne nuit pas à la compréhension du podcast.

Faites un mastering global avant diffusion

MasteringNormalement, si vous avez bien suivi mes recommandations jusqu’ici, vous devriez avoir un podcast propre, écoutable et d’un niveau sonore cohérent. Mais si vous souhaitez pousser un peu plus loin le professionnalisme, vous pouvez également choisir de faire un « mastering », c’est-à-dire d’appliquer une dernière couche de traitements sonores à votre mix final pour le rendre encore plus joli.

En général, au cours de cette ultime phase, on va surtout bosser sur le volume global de l’émission, en essayant de se rapprocher au mieux d’un volume optimal (donc proche de 0db, ou -6db en RMS). Pour ce faire, on peut choisir d’utiliser un compresseur ou un limiteur, qui va se charger de faire remonter un peu le volume des passages plus bas, tout en limitant ceux qui dépassent un certain seuil.

Le résultat visé est d’obtenir un volume sonore uniforme sur l’ensemble du podcast, histoire qu’il puisse être écouté dans des configurations pas forcément idéales (dans les transports en commun par exemple). Pro-tip : pour réussir son mastering, je préconise de le faire en pré-écoute mono (et pas stéréo). Ça permet (je trouve) d’avoir une meilleure perception de la dynamique générale et de mieux repérer d’éventuelles disparités entre certaines voix, ou entre les voix et la musique, si votre podcast en contient.

En résumé : passez une dernière couche de vernis audio sur votre production avec un compresseur/limiteur qui va lisser un peu la dynamique sonore de votre enregistrement, et permettre son écoute en toutes situations.

L’export : 128 Kbps ? 160 ? 192 ?

Dernière touche avant de pouvoir diffuser votre oeuvre : l’export au format MP3 (qui est toujours le plus répandu dans le podcasting aujourd’hui) et surtout, le choix du taux de compression. Ici, tout est affaire de compromis : choisir un format qui flatte l’écoute, sans pour autant peser trop lourd au téléchargement (il ne faut jamais oublier qu’on consomme aujourd’hui principalement du podcast sur mobile).

À titre personnel, j’ai opté pour le 160 Kbps, parce qu’il offre un bon compromis qualité/taille, même pour du podcast musical. Si votre émission se constitue exclusivement de parlotte, vous pouvez même envisager de passer en 128 pour grappiller encore quelques précieux Ko.

En résumé : le bon compromis qualité/taille, c’est le 160 Kbps AMHA.

Montage

Le mot de la fin

J’ai volontairement omis de transformer ce papier en catalogue de plugins et autres logiciels pour bricoler vos podcasts. L’idée ici, c’était surtout de vous présenter quelques règles de base que je m’impose quand je bosse sur une émission et partager quelques tips pour rendre vos créations plus agréables à l’écoute. Si vous cherchez des outils spécifiques, je vous invite à parcourir les recommandations que je glisse régulièrement dans ces pages, vous devriez y trouver votre bonheur.

Bonnes prods !

 


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