La saga Marvel Studios, 23ème partie : Avengers: Infinity War, un projet de titan fou

Annoncé comme le point culminant de dix ans de Marvel Cinematic Universe, présagé aussi comme le début de la fin pour certains personnages de l’écurie Marvel Studios, Avengers: Infinity War est déjà, une semaine à peine après sa sortie, l’un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma. Chronique d’un succès certes largement annoncé, mais sur lequel pas grand monde n’aurait osé miser il y a une décennie.

Infinity WarPréambule : comme il serait particulièrement complexe de parler du film sans en évoquer la trame, ce dossier risque de balancer du spoiler dans tous les sens. Vous êtes prévenus ! Et pour ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire avant de passer au plat de résistance, je vous rappelle que j’ai publié la semaine dernière une série de trois dossiers récapitulatifs sur les 18 films du MCU, de Iron Man (2008) à Black Panther (2018). N’hésitez pas à aller y jeter un œil pour vous mettre à jour ! Enfin, pour ceux qui souhaiteraient débattre des nombreuses théories possibles concernant la suite, à savoir Avengers 4, sachez que nous en parlerons en long et en large vendredi prochain dans un nouvel épisode des Clairvoyants, notre podcast dédié au Marvel Cinematic Universe.

Avengers: Infinity War

« Captain America: Serpent Society, hin hin hin. »

Annoncé comme « le crossover le plus ambitieux de toute l’histoire du cinéma » (ce qui lui vaudra d’ailleurs de devenir un « meme » à part entière), Avengers: Infinity War était sans conteste l’un des blockbusters le plus attendu de 2018. Par les fans d’abord, qui salivaient depuis plusieurs années à l’idée de ce gigantesque melting-pot de tous les héros du MCU; mais également par la critique, curieuse de voir si Marvel Studios allait parvenir à marquer le panier à trois points, en alignant une fois de plus un imparable carton.

Petit flash-back en octobre 2014. Rappelez-vous : c’est à ce moment que Kevin Feige et sa troupe font leur grand show « Phase 3 », annonçant tous les films à venir du studio. On y apprend notamment que le troisième volet de la franchise Avengers s’appelera Infinity War, un arc bien connu des aficionados des comics, mais également qu’il sera, ô surprise, proposé en deux parties. Un choix sur lequel Marvel Studios va revenir par la suite, non sans générer une certaine confusion. En 2016, Feige déclare qu’ils ont décidé de laisser tomber la nomenclature en deux parties, et qu’ils ont au passage rebaptisé le prochain film Avengers: Infinity War, tout simplement (le suivant se voyant pour sa part affublé du mystérieux sobriquet Untitled Avengers Sequel).

Alors quoi, c’est en deux épisodes ou pas ? Qu’on ne s’y trompe pas : si Infinity War est un vrai film, avec un début, un milieu et une fin, c’est aussi malgré tout une première partie qui ne dit pas vraiment son nom. Mais en même temps, si vous suivez le MCU depuis un moment, vous devriez désormais avoir l’habitude des arcs narratifs qui s’étalent sur plusieurs films.

Bref, petite bourde de l’ami Kevin, qui aurait pour le coup mieux fait d’annoncer directement les deux films Avengers avec leurs titres distincts. Et pour couronner le tout, le malheureux se prendra à nouveau les pieds dans le tapis quelques mois plus tard, en lâchant nonchalamment que s’il ne voulait pas révéler le titre du quatrième opus, c’était tout simplement parce que celui-ci constituait en lui-même un gros spoiler. Il n’en faudra pas plus pour faire instantanément bouillir le cerveau des fans de spéculations, et produire finalement l’effet inverse de ce que recherchait le producteur, qui souhaitait remettre les projecteurs sur Avengers: Infinity War et ne plus parler de sa suite. Comme quoi, même avec dix années d’expérience dans les pattes, on peut encore faire des impairs de communication.

Previously in the Marvel Cinematic Universe…

Avengers: Infinity War

Toute la magie des « crossovers » résumée en une image.

Prétendre qu’on pourra pleinement profiter d’Infinity War sans avoir jamais regardé une seule production du MCU serait un vilain mensonge. Le côté épisodique des films de Marvel Studios est depuis longtemps une donnée connue, et cela ne devrait surprendre personne d’apprendre que sans un minimum de bagage, vous risquez de passer complètement à côté du film. Chantier organique, Avengers: Infinity War se détache à ce titre un peu des productions habituelles du studio, dans le sens où sa genèse s’est faite plus ou moins de manière naturelle au fil de l’histoire du MCU, parfois même un peu par accident.

Quand Joss Whedon décide d’ajouter le visage de Thanos à la fin du premier Avengers, sous-entendant que le grand méchant pourpre est le véritable instigateur de l’invasion de New York, il n’y a pas encore vraiment de plan à très long terme concernant l’utilisation qui sera faite de son personnage. Un peu à l’instar du caméo de Nick Fury à la fin d’Iron Man, son apparition dans une scène post-générique est initialement surtout là pour faire plaisir aux fans de comics. Mais l’idée est plantée… Thanos existe dans le MCU, et il sera probablement l’un des prochains adversaires des Avengers.

Séduit par la perspective d’en faire un « big bad », le studio va alors progressivement commencer à semer de petites bribes d’informations à son sujet (et au sujet de sa quête des Infinity Stones) dans les autres productions maison. D’abord dans Guardians of the Galaxy, où il apparaît une fois encore comme marionnettiste de l’ombre, puis de manière furtive, dans la scène post-générique d’Avengers: Age of Ultron, où il saisit enfin le fameux Infinity Gauntlet et décide de prendre les choses en main. On profite également des autres films du MCU pour mieux le contextualiser : introduction de ses filles adoptives, Gamora et Nebula, toujours dans le premier GotG, deux personnages intrinsèquement liées à la quête de Thanos et que Marvel Studios développera encore un peu plus dans le deuxième volet des Guardians.

Du coup, même s’il est possible de comprendre les enjeux d’Infinity War, et le côté central qu’y occupe la relation entre Thanos et Gamora, on perd tout de même un gros paquet de contexte si l’on n’a pas pris la peine de visionner au moins les deux Guardians of the Galaxy. Et il en va de même pour les autres personnages : sans Civil War ou Spider-Man: Homecoming, difficile de bien saisir le rapport entre Tony Stark et Peter Parker, sans Thor: Ragnarok, difficile de comprendre ce qui se passe dans les dix premières minutes du film… Les exemples du genre sont légion. Infinity War est en réalité un gros puzzle : s’il vous manque quelques pièces, ça ne vous empêchera pas d’avoir une vague idée de ce que représente l’ensemble, mais vous passerez sans conteste à côté de subtilités qui font tout le charme et le sel de l’univers partagé proposé par le MCU.

Secret Wars

Avengers: Infinity War

Les frères Russo expliquant à ScarJo pour la 512ème fois qu’ils ont du taf et que le film Black Widow, ça va pas être possible tout de suite.

S’il y a un reproche que je pourrais faire au film, mais là, c’est le journaliste qui parle, c’est d’avoir pris forme dans le secret absolu. Alors oui, on sait que de base, Marvel Studios a tendance à opérer en mode ninja, pour tenter de préserver au maximum la surprise jusqu’à la sortie de ses créations. Mais sur un projet aussi important qu’Infinity War, ça a pris des proportions qui frisent la paranoïa aiguë. Et même si, après avoir vu le film, je comprends mieux l’ampleur des enjeux, ça ne me facilite pas la tâche quand il s’agit de vous parler de la phase de production. On va néanmoins essayer…

Parmi les éléments connus, on sait qu’après avoir brillamment mené l’entreprise Captain America au succès, avec les films The Winter Soldier et Civil War, le quatuor composé des réalisateurs Joe et Anthony Russo, et des scénaristes Christophe Markus et Stephen McFeely, a rempilé dès 2016 pour plancher sur ce gros morceau du MCU. On a déjà pu largement parler de l’excellente dynamique de ce petit groupe (ici et , notamment), on n’y reviendra donc pas; retenez simplement que plus que jamais, Infinity War est un projet qui va se faire en famille.

Ce qu’on sait sur la phase de production, c’est que le planning a été un véritable casse-tête, comme on peut s’en douter quand on découvre le nombre d’acteurs impliqués. Pour pallier par exemple à l’absence de Benedict Cumberbatch sur le plateau (l’acteur était retenu par d’autres engagements professionnels), les frères Russo ont dû faire appel à une doublure, pour ensuite y surimposer numériquement les scènes tournées ultérieurement par le vrai Doctor Strange, en solo. Pas vraiment idéal pour maintenir une cohérence de jeu… Ajoutez à cela le fait que les deux parties (Avengers 3 et 4 donc) ont été tournées bout à bout, en une seule longue phase de neuf mois, et vous aurez une meilleure idée de l’ampleur de la tâche quand il s’agit de croiser les plannings de tout ce petit monde.

Autre difficulté majeure pour le studio : réussir à mélanger organiquement dans un même film des franchises ayant des tons propres et souvent distincts. On n’y réfléchit pas forcément en prenant son pied devant le grand écran, mais quand on se pose cinq minutes, on réalise à quel point les frangins Russo et leurs scribes ont réussi un tour de force en parvenant à croiser le côté un peu foufou du Thor de Ragnarok avec les névroses et le « réalisme » d’un Tony Stark ou le sérieux d’un Captain America post-Civil War. Le secret de ce mélange réussi : une forte implication des autres réalisateurs sur le projet. En famille, comme je disais. On sait par exemple que James Gunn, le papa de la franchise des Guardians of the Galaxy, a participé à l’écriture des scènes impliquant ses personnages, histoire de s’assurer d’un minimum de cohérence dans leurs attitudes, tout en trouvant le moyen d’intégrer leur dynamique dans la « big picture » proposée par Infinity War.

Bandes-annonces et harengs rouges

Avengers: Infinity War

Cette scène emblématique de la bande-annonce n’est pas dans le film. Tu nous as bien eu, Kevin.

On parlait à l’instant du secret entourant la phase de production du film, mais il ne faudrait pas non plus négliger l’autre arme redoutable de Marvel Studios pour préserver tous les mystères de ses productions : la désinformation. Kevin Feige nous avait déjà habitué aux fausses pistes avec les bandes-annonces de The Winter Soldier (où Fury était astucieusement dissimulé dans une scène clé du film) ou de Age of Ultron (la bataille finale où il manquait un paquet de héros), il était donc prévisible qu’il allait redoubler d’efforts pour ce projet super attendu.

En réalité, le jeu des fausses pistes a commencé bien avant la phase de marketing, dès le tournage. Sur le plateau, personne ne s’est vu octroyer une version complète ou définitive du scénario (a priori même pas Benedict Cumberbatch, malgré ce qu’il semble penser). Histoire d’éviter les fuites (une spécialité de Mark Ruffalo et Tom Holland), la plupart des acteurs n’ont reçu que des bribes de l’histoire, principalement leurs propres scènes, et certains ont même eu à tourner plusieurs versions alternatives des passages importants du film. On ne rigole pas avec les surprises chez Marvel Studios.

Kevin Feige ira même jusqu’à avancer la date de sortie du film aux États-Unis, histoire de ne pas sortir dix jours après le reste du monde et risquer une exposition prématurée des « plot twists » de l’intrigue. Et bien entendu, les bandes-annonces fourmilleront de détails destinés à induire tout le monde en erreur, même les fans assidus. Souvenez-vous de ce fameux plan où l’on voit Steve Rogers courant vers la caméra, flanqué de Bucky, Black Widow, Okoye, Black Panther et Hulk… Eh bien, ce plan n’est pas dans le film. Pire encore : Hulk non plus. Enfin, si, au début, mais il prend une telle rouste face à Thanos qu’il décide de rester bien au chaud et de laisser Banner gérer le bordel. Et c’est super malin ! Parce que du coup, pendant tout le film, on attend le moment où le géant vert va refaire surface, et on est finalement agréablement surpris par la tournure que prennent les événements.

En réaction aux gens qui trouvaient que les bandes-annonces dévoilaient trop d’éléments importants du film, Marvel Studios a choisi de ne pas en montrer moins, mais d’en montrer plus. Au final, tout le monde y gagne : la promo fait son taf en nous donnant envie d’aller voir le film, tout en nous gardant de bonnes surprises au chaud. L’important, au final, ce n’est pas qu’ils nous trompent avec des « fake news »; l’important c’est que, indépendamment de ce qu’on s’attend à voir, les promesses faites soient respectées. La principale, concernant Infinity War, c’était que ce serait le film de Thanos, qu’il en serait le héros et que, fort logiquement si l’on respecte les clichés hollywoodiens, il sortirait victorieux de ces 2h30 de baston. Et c’est exactement ce qu’on a eu. Le panneau « Thanos will return » à la fin de la projection était là pour bien nous le rappeler. Kudos, Marvel Studios.

La pierre de l’infini pognon

Avengers: Infinity War

Sérieusement, il est pas magnifique cet enfoiré ?

Qu’on aime ou pas les films du MCU, le constat est le même : on attend toujours à ce jour le premier faux pas du studio au box-office. Parce que de ce côté-là, Avengers: Infinity War serait plutôt en train d’enchaîner les records. Pour un budget (hors marketing) qu’on estime entre 300 et 400 millions de dollars, le film a déjà engrangé la bagatelle de 860 millions sur le marché international. Et il est sorti il y a dix jours à peine…

Record de pré-ventes (un gain de 1.106,5% par rapport à Age of Ultron, rien que ça), deuxième meilleure ouverture de tous les temps, juste derrière The Force Awakens, meilleur premier week-end, et je m’arrête là sinon on va se faire une bonne indigestion de « meilleur ». Bref, la « super-hero fatigue », comme disent les anglosaxons, ce n’est pas encore pour tout de suite.

J’irais même plus loin : avec Infinity War, Marvel Studios démontre une fois de plus que, tout en restant dans le cadre (parfois strict) d’un univers adapté de comic books, ils parviennent à renouveler la formule avec suffisament d’originalité pour continuer à nous surprendre. Au risque de sonner un peu trop comme un fanboy, je constate que production après production, l’équipe de Kevin Feige réussit à faire avancer le genre « super-héroïque » dans une direction fraîche et inattendue, sans sacrifier au récit dans son ensemble. Et ça, c’est cool.

Reste à voir maintenant comment le studio va gérer la suite. On sait déjà qu’Ant-Man & The Wasp se déroulera avant la conclusion d’Infinity War, du coup on attend surtout l’arrivée de Captain Marvel dans le MCU, prévue pour mars 2019. Un personnage qu’on annonce comme étant « la plus puissante », et qui jouera donc un rôle prépondérant dans cet Avengers 4 qui ne veut pas encore dévoiler son nom. Au regard de la fin d’Infinity War, on pressent déjà ce quatrième volet comme celui des adieux, le grand baroud d’honneur des OG Avengers, avant un passage de flambeau vers la nouvelle génération et une redistribution des cartes pour le futur du Cinematic Universe. Un changement de paradigme qu’on attend tous avec curiosité, mais qui ne se fera probablement pas sans certains sacrifices… Mais ça, ce sera dans un an. D’ici là, on aura l’occasion de se changer les idées avec les nouvelles aventures de Scott Lang et Hank Pym. Une petite bouffée d’air frais qui va faire du bien après l’hécatombe du final d’Infinity War

 

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


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