Mailspring, le client mail qui grille les étapes

Mailspring est le reboot d’un projet assez connu : Nylas N1. Si vous ouvrez notre news de 2016 sur ce dernier, vous allez vite voir qu’il y a comme un air de famille… Projet intéressant, mais avorté, N1 est donc revenu dès 2017 sous le nom de Mailspring, avec comme ambition de vous convaincre de payer un abonnement de 8 dollars par mois pour sa version « Pro ». Et s’il a effectivement des arguments, il souffre de problèmes qui me font sérieusement douter de la pertinence d’utiliser autre chose que sa version gratuite…

Mailspring Banner

Dans le monde des clients mail desktop, il y a plusieurs écoles : les besogneux moches, mais qui font le taf comme Outlook (quand il ne plante pas) ou eM Client, les « j’ai pas le choix, mais c’est open source ! » comme Thunderbird et le beau gosse de service, Spark, qui se paye le luxe d’avoir aussi d’excellentes versions sur iOS et Android. Sans oublier les mégastars gratuites que sont Apple Mail (iOS et macOS) ou Gmail en mode web. Je sais, il existe aussi une ribambelle d’options plus ou moins bien maintenues, en fonction de votre OS, mais les principaux sont là. Bref, l’email est un vaste marché, mais pas forcément rentable pour tout le monde !

Malheureusement, quand on aime les softs complets et bien pensés comme Spark, on se trouve bien démuni quand on doit bosser sous Windows ou Linux. Dans ces cas, Mailspring fait rêver : c’est la promesse d’un produit « presque » open source, au design soigné, avec des fonctions avancées intéressantes. Sur le papier, c’est l’alternative idéale, en tout cas sur desktop. Tous les desktops en plus !

Précisons tout de suite pourquoi j’écris « presque » open source : Mailsync, le moteur de synchronisation, coeur de l’application, ne l’est pas. Mais d’après la doc, ça serait temporaire…

Début de soirée torride

La première rencontre avec Mailspring est assez convaincante : l’interface propose plusieurs thèmes et même si aucun n’est parfait, on a les outils pour bidouiller le sien si nécessaire. Notez que l’UI se reconfigure aussi en fonction de sa taille. Pour avoir le début des mails sous leur sujet, il faut penser à réduire cette colonne par exemple. Lors de la première connexion, j’étais même très content de voir que FastMail était géré directement (ça change !) et que la création d’une Mailspring ID n’était pas trop compliquée.

Mailspring and Fastmail

Cette ID ne stocke rien de crucial et en fonction de votre position sur le sujet, c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Bonne si vous n’aimez pas avoir le moindre doute sur ce que gère la société derrière votre client mail, mauvaise si vous espériez configurer tout ça une fois et récupérer votre setup avec tous vos providers de mails déjà configurés sur d’autres machines via ce système. Encore une fois, c’est ce que propose Spark, et c’est bien pratique ! Là, à chaque installation, il faut tout reparamétrer, configurer ses signatures, etc. Cette identification n’existe que pour des fonctions comme le snooze, l’envoie de mails différés et de futurs développements. Notez qu’en plus, contrairement à AirMail ou Spark, il est impossible de désactiver la fonction Snooze, qui va forcément créer un dossier en plus pour Mailspring sur votre serveur IMAP.

Mailspring Mailing

Vous avez la possibilité d’accepter une série de mails « tutos » à la fin de l’installation.

Des priorités à revoir

Mailspring n’est pas un produit qui date d’hier, et pourtant on se retrouve parfois devant des bugs bizarres qui sentent la peinture fraîche. Sur un de mes comptes IMAP, j’ai régulièrement des mails formatés sans sauts de lignes par exemple, que ce soit sous Windows ou Linux. Ces mails sont parfaitement « normaux » sur tous les autres clients mails du marché ou via Webmail… Ce n’est pas fréquent, mais c’est typiquement le genre de chose qui ne devrait jamais arriver ! J’imagine qu’il faut bien développer les fonctions payantes, mais ça serait bien de s’assurer que la base est irréprochable…

Autre énigme de Mailspring : la gestion des signatures. Le module RAW de signature HTML est parfois récalcitrant, et en plus la seule alternative c’est d’utiliser leurs templates. Vous voulez une signature texte toute simple ? Impossible !

Attention aussi au comportement par défaut de la touche backspace, qui archive les mails au lieu de les effacer.

Mailspring Options

Du Pro qui facture bien cher

Dans ce genre de business, le développeur doit définir un équilibre délicat entre ce qu’offre la version Pro par rapport à la version gratuite. Ce n’est jamais simple, et dans le cas de Mailspring, c’est clairement perfectible.

Les possibilités sont intéressantes, mais pas indispensables : templates, profile de vos contacts, tracking des mails envoyés, gestion des relances., envoies différés, snooze… et « much more » ? S’il s’agit de fonctions en développement, une roadmap serait la moindre des choses… Cette page semble du reste développée à l’arrache. Déjà le wording est assez moyen donc, et surtout on y trouve des redites et des bugs, qui ne semblent pas troubler beaucoup de monde (ça fait 10 jours que je vois ce « InputShema » en bas de page), on a déjà vu plus rassurant pour un produit que veut vous convaincre de mettre la main à la poche.

Mailspring Pro Page bugs

Beaucoup de ces fonctions sont disponibles sur Spark et ce, gratuitement. En tête de liste, le support des templates ou les envois à heure programmée par exemple. Parce que Readdle, la société derrière Spark, a eu l’intelligence de ne brider aucun aspect de son produit, et de développer une nouvelle façon d’aborder les mails, avec une version team qui finance tout le reste. Qui a vraiment envie / besoin de lâcher pratiquement 100 dollars par an pour un Mailspring Pro ? Surtout si Spark trouve un jour le chemin de Windows.

Mailspring Translate

Exemple de fonction intéressante : la traduction intégrée est vraiment bien pensée, et modifie le texte directement dans votre email.

À l’heure du bilan, vous vous demandez peut-être pourquoi je viens de passer autant de temps à dépecer ce pauvre client mail qui n’avait rien demandé. Tout simplement parce que le potentiel est là, tout comme la frustration de voir cet outil rater le coche sur des fonctions simples. Il y a pourtant parfois de bonnes idées comme la traduction proposée directement dans vos mails. Comme c’est aujourd’hui la seule option viable pour disposer d’un client mail avec inbox unifiée sous Windows et Linux, dans un design moderne, j’avais envie de mettre ce produit en avant malgré tout. Et qui sait, peut-être en motiver certains à faire avancer dans le bon sens ce produit, ne serait-ce qu’en donnant des feedbacks aux développeurs.

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