Un an avec Inoreader, le lecteur RSS qui sait tout faire

Vous vous rappelez des RSS ? C’était avant l’époque des « fakes news » et du cancer de l’information via Twitter et / ou Facebook, qui semblent vouloir décider de ce que vous devriez lire… Un temps pas si lointain, où vous choisissiez encore comme des grands des sites à suivre, qui pour certains s’est arrêté quand Google a décidé de fermer son service GReader. En 2013, j’avais fait un état des lieux sur Cafzone et en 2017, la situation reste plutôt calme : d’un côté les utilisateurs amateurs qui se contentent d’un Feedly en mode gratuit, de l’autre des lecteurs exigeants, souvent pros de l’information, qui ne quitteraient leur Newsblur pour rien au monde. Entre les deux, l’offre est large, mais un service se détache du lot : Inoreader. Il est le seul à venir chercher NB sur le terrain des services pros, avec une offre difficile à concurrencer. Il est temps de vous présenter ce roi du RSS, plus vraiment nouveau et pourtant toujours trop peu connu. L’occasion aussi d’en apprendre plus sur l’équipe qui se cache derrière, via une interview de Yordan Yordanov, co-fondateur du service .

Inoreader Light Theme Feed Colonne

La classique vue en colonne est toujours ma préférée, mais il existe quatre autres options ! (La plupart des images sont dans la galerie en fin d’article).

Si Newsblur est l’oeuvre d’un seul homme, cette excellente application Web doit faire face avec Inoreader à un service développé par une équipe complète. Loin de la Silicon Valley, Inoreader est un produit de chez Innologica, une startup bulgare. Il n’y a pas que la Côté Ouest dans la vie ! Et visiblement, chez eux, le RSS, on aime ça. Loin de se contenter de regrouper les contenus de vos sites préférés, le but est, comme pour Newsblur, de faciliter le tri et la recherche des informations pertinentes, puis de partager et commenter tout ça, directement sur le site.

Tamiser l’info

L’intérêt du RSS, c’est de pouvoir scanner un grand nombre de sources d’information à la fois, pour repérer les publications intéressantes. Ça peut passer par un coup d’oeil distrait sur une grosse dizaine de sites pour l’utilisateur de base. Mais les pros qui surveillent parfois plusieurs centaines de sources pour leur boulot ont besoin de filtres, de systèmes d’alertes, de « smart search », etc. Inoreader couvre tous ces usages et plus encore : sauvegarde complète de page Web pour une lecture ultérieure, lecture directe d’une news sans ouvrir le site, export PDF, classement par tags ou règle d’affichage, mise à jour en temps réel des feeds, statistiques avec nettoyage automatique des sources qui ne sont plus updatées, etc. Une usine donc, mais une usine facile à utiliser et à lire.

Ma fonction préférée est une des plus « simples » : une pression sur W permet de directement lire un article dans Inoreader. Cette fonction aura du mal à s’accommoder de certains sites et massacre les mises en page, mais dans 90% des cas, elle fonctionne suffisamment bien pour consulter un contenu rapidement. Inutile de vous expliquer le gain de temps et l’esquive de pubs diverses que ça implique. Oui, ce n’est pas une fonction qui fait rêver les commerciaux des grands sites d’information, mais c’est bien pratique (cf. la galerie en fin de dossier)…

Combattre l’optionite aiguë


La problématique la plus difficile à résoudre pour les développeurs d’Inoreader, c’est de proposer toutes ces fonctions sans noyer l’utilisateur. Les options et menus sont légion, mais savent rester hors de votre chemin en cas d’utilisation basique. Modes d’affichage, filtres, partages, dashboard, configuration de chaque site, de votre compte : tout est bidouillable. Mais attention à la noyade si vous tentez de tout assimiler d’un coup. Après un an d’utilisation, je découvre encore des choses, surtout qu’Innologica continue de rajouter des fonctions. L’arrivée de la gestion des teams est un bon exemple de l’évolution du produit. Oui, si vous avez déjà un Slack pour gérer votre communication d’équipe, l’intérêt est peut-être limité, mais ça permet d’avoir un outil de plus où les articles pertinents pour vos collaborateurs sont regroupés.

Le secret pour exploiter tout ça sans imploser, c’est de ne rien toucher ou presque au début. Importez votre fichier OPML ou rajoutez simplement vos sites à la main si vous ne migrez pas d’un autre service. Le système de recherche et suggestions est très pratique, profitez-en. Ne bidouillez que les trucs dont vous avez besoin tout de suite. Vous vous occuperez du reste bien assez tôt, au gré de vos besoins. Une fois le mode d’affichage et votre thème choisis, le plus gros du boulot est fait, vous pouvez commencer à lire vos news et perfectionner votre configuration petit à petit.

Inoreader est également compatible avec de nombreux lecteurs RSS desktop ou mobiles, même s’il propose ses propres applications iOS, Android et… Windows Phone ! Ces dernières n’ont pas le design d’un Reeder par exemple, mais elles permettent d’exploiter les fonctions principales du service efficacement.

King of Hill

Cette pléthore d’options ne serait rien sans une rapidité exemplaire. Et là encore, Inoreader fait très fort : passer d’une news à l’autre est instantané, quel que soit votre navigateur. C’est le point faible de Newsblur, qui souvent rame un peu à cause d’un choix de méthode d’affichage qui peut devenir gourmand. Inoreader enfonce le clou avec une version gratuite sans aucune limitation pour l’utilisateur lambda. Pas de limite de feeds, simplement un peu de pub discrète (souvent pour… Inoreader). Vous trouverez toutes les différences entre les différents tiers sur ce PDF fait maison. Option intéressante de l’offre Pro : la traduction intégrée au lecteur RSS. Ça reste de l’automatique, mais ça dépanne. Finalement, la seule semi-déception d’Inoreader, c’est son réseau social intégré, qui reste bien silencieux comme un Google+ abandonné. Je fais des pléonasmes si je veux…

Inoreader Social and Trending

Comme chez Newsblur, il est possible de partager et commenter ses articles préférés directement dans Inoreader.

SOS RSS

Certains se demandent si le RSS n’appartient pas déjà au passé, comme tout un tas de créations des années 2000, forums et blogs inclus. Certains sites n’en proposent déjà plus, surtout ceux dont l’activité principale consiste à balancer chaque jour une tonne de news pas forcément pertinentes, tout en maintenant un taux de clic élevé, via un gavage permanent de leurs lecteurs grâce à la magie de Facebook. Notez que c’est beaucoup plus long que d’écrire « les putes à clics », mais je fais un effort… Je répondrais simplement que c’est un excellent test : pas de RSS, pas de lecture, basta.

Plus que jamais, gérer soi-même ses sources d’information est vital, et le RSS est un outil indispensable pour ça. Quels que soient votre job, votre position sociale ou vos passions. La vraie question devient donc « est-ce qu’Inoreader est le meilleur ? » À mon sens, actuellement oui. C’est le plus complet, le plus efficace et un des plus rapides du marché, avec une option gratuite très généreuse. Mais si rien ne vous frustre dans l’utilisation de votre solution actuelle, rien ne vous oblige à changer. Au pire, ça ne coute rien de tester pour comparer, surtout qu’Inoreader offre 30 jours d’option Pro à l’inscription. L’important, c’est de prendre le temps de lire et de continuer à s’instruire via une galaxie de sources diversifiées. Et pour ça, on n’a encore rien trouvé de mieux qu’un bon lecteur de RSS, quoi qu’en disent les chantres du Web 2 point truc.

 


Yordan YodanovInterview : Yordan Yordanov

GZ : Bonjour Yordan, peux-tu te présenter rapidement à nos lecteurs ?

YY : Mon nom est Yordan Yordanov (si si…), j’ai 32 ans et j’ai fait mes études à la « New Bulgarian University » (en Computer Systems and Technologies). J’ai travaillé pendant 10 ans dans les télécoms, surtout côté BSS/OSS (Business Support Systems / Operational Support Systems). J’avais beaucoup de missions pas vraiment enrichissantes à l’époque et j’ai décidé de fonder Innologica avec quelques amis qui partageaient le même type de frustration. Le but était de faire ce qu’on fait de mieux, sortir des logiciels bien pensés et finalisés.

Mon hobby favori est le VTT / Moutain Biking. La Bulgarie est riche en terrains propices à cette passion, et avec mes amis et collègues, on enchaine les kilomètres dès qu’on peut le week-end. Mon profil Strava est ici.

 

Peux-tu présenter Innologica ? Quelle est la place d’Inoreader dans cette société ?

Innologica est opérationnelle depuis 2013. Inoreader occupe 50% des capacités de la société, mais ça peut varier en fonction des projets. Comme la plupart des startups, nous avons une équipe très orientée tech et nous sommes toujours à la recherche de passionnés qui partagent nos envies pour nous rejoindre.

 

Quel est l’historique d’Inoreader ? Raconte-nous comment vous avez commencé à travailler sur ce projet et pourquoi avoir visé ce marché ?

Comme beaucoup, j’étais un utilisateur de longue date de Google Reader. C’était le Saint Graal pour moi, ça me permettait de rester au courant de tout efficacement, particulièrement dans mon secteur d’activité. C’était même mon application la plus utilisée sur mon téléphone Android et le premier truc que j’ouvrais sur mon ordinateur le matin. Je mettais un point d’honneur à tout lire, et je ne m’abonnais donc qu’aux flux les plus pertinents. À cette époque je n’avais aucunement l’intention de bosser sur un produit du genre, même si l’absence de filtres ou de règles m’agaçait un peu. Je n’avais jamais regardé la concurrence non plus.

Puis l’annonce de la fin de service de Google Reader tomba et ce fut un choc. Ma première réaction fut de chercher un autre produit du genre. Malheureusement, après plusieurs essais aucun d’entre eux ne m’a vraiment convaincu. Ce fut la première fois que je me suis dit « Je suis un développeur, j’ai un peu de temps libre actuellement, je vais rapidement faire un outil en partant de rien, ça ne peut pas être bien compliqué… » Et je me suis mis au boulot entre deux projets, sur mon temps libre.

Après quelque temps, je me suis dit que c’était assez propre pour que d’autres puissent l’utiliser, j’ai donc décidé de le publier sur le Chrome Web Store. J’ai trouvé un Google Groupe qui s’appelait « Google Reader Diaspora », où les gens cherchaient également des alternatives à GReader. Mon post pour annoncer la disponibilité de mon outil sur ce groupe constitue la première annonce officielle d’Inoreader !

Je n’attendais pas vraiment de grosse réaction, mais les gens ont immédiatement commencé à s’inscrire et à envoyer des feedbacks. C’était généralement très positif et je me suis mis à bosser de plus en plus sur Inoreader, au détriment d’autres projets. Des posts de blogs et des news sur le produit ont commencé à sortir et pendant plusieurs mois, les inscriptions tournaient autour de 100 par heure. Le projet tournait sur du matos de récupération, et il devenait évident qu’il allait falloir sérieusement investir pour continuer à faire tourner le service. C’est à ce moment qu’avec mes amis nous avons décidé d’en faire un projet pour Innologica et de le financer. À partir de là, ce n’était plus simplement « mon » projet, mais un effort d’équipe.

 

Et du coup, combien de personnes travaillent sur Inoreader, côté développement ? Quelles sont les technologies utilisées ?

Généralement nous sommes deux développeurs Web sur ce projet – je continue d’écrire le gros du code pour le coeur de l’app ainsi que côté Web UI – avec en renfort deux développeurs mobile (qui couvraient les 3 plates-formes, mais maintenant plutôt deux…), un designer, un administrateur système et un community manager qui a également la casquette de responsable QA.

Ça va paraitre old-school, mais nous utilisons une simple stack LAMP pour le plus gros de l’app, et ça fait merveilleusement bien le boulot, même avec des dizaines de milliers d’utilisateurs connectés simultanément. Évidemment, l’architecture complète est loin d’être simple. Côté databases, nous avons déjà plusieurs dizaines de serveurs MySQL, tous assez costauds, avec énormément de RAM et de capacité de stockage. Ça nous a pris un an pour développer cette architecture, mais nous avons maintenant une solution capable de monter en puissance rapidement, tout en restant super rapide en permanence.

L’astuce fut de bien partager les rôles de nos serveurs pour les bases de données. Nous avons choisi MySQL à la place des produits concurrents orientés NoSQL parce que c’est une solution qui a fait ses preuves et finalement toujours assez rapide. Nos DB n’ont aucun problème avec des quantités de données de plusieurs téra-octets sur une seule instance, avec des milliers de requêtes par seconde. Nous avons essayé avec MongoDB, mais nous avons eu pas mal de soucis sans voir de gain de performance notable. Nous avons donc décidé de rester sur une solution connue. Après tout, les utilisateurs n’apprécieraient pas trop de perdre des données ! Nous avons donc tout fait pour que ça n’arrive jamais.

Côté langage, à l’origine tout était en PHP, mais nous avons totalement réécrit certaines parties du backend en C++, pour avoir des performances optimales. Nous utilisons SimplePie pour le feed parsing et les clients mobiles exploitent les technologies natives de chaque plate-forme. Nous ne sommes pas de grands fans des apps hybrides, même si ça peut faire gagner du temps côté développement. Plus récemment, nous avons rajouté ElasticSearch, pour nous permettre de gérer plus efficacement notre index de recherche, qui totalise plus de 11 milliards d’articles ! Comme notre fonction de recherche est disponible pour tous les utilisateurs (à l’exception de la recherche globale pour les abonnés gratuits), il était important de trouver une solution efficace. La migration depuis Sphinx ne fut pas facile. En plus des changements de code et de la conception de la nouvelle architecture, il a fallu 3 mois pour réindexer tous les articles !

 

Avec le nombre de produits actuellement sur le marché, est-il difficile de recruter de nouveaux utilisateurs ?

Je pense que même si on peut croire qu’il existe une grosse compétition sur ce segment, chaque service propose des atouts différents et plait à différentes audiences. Certains veulent un produit visuellement plaisant sans trop creuser les fonctionnalités. Les pros en revanche veulent rester au courant de tout et doivent trier des milliers de news par jour. Ces gens ont besoin d’outils d’automatisations, de filtres, etc. pour être efficaces. C’est clairement ceux que nous visons. Mais honnêtement, notre effort marketing est proche de zéro et de nouveaux utilisateurs arrivent constamment, surtout grâce au bouche-à-oreille.

 

Quelle est votre position face aux newsreader 3rd party comme Reeder, ReadKit, etc. ?

Ces développeurs sont vraiment des partenaires. Offrir plus d’options aux utilisateurs n’est jamais mauvais. Nous savons parfaitement que certains adorent notre app Web, mais ne sont pas des fans de nos apps mobiles. Garder ces utilisateurs, contents de trouver des alternatives, est bénéfique pour tout le monde : ils restent chez nous et les développeurs tiers n’ont pas à maintenir de backend à eux, ce qui est tout sauf bon marché… Du reste, notre API est ouverte et disponible à cette adresse.

 

Quelle est l’option dont vous êtes le plus fier dans Inoreader ? Celle qui vous met à part sur le marché ?

Définitivement nos options d’automatisation. Surtout Rules et Active Search, combinées à notre recherche globale. Nous avons également ajouté les Notifications, et les Bundles sont très populaires. En fait, Inoreader dispose de son propre réseau social, où les utilisateurs peuvent créer des channels et commenter / collaborer sur des articles ou juste créer des collections qu’il est possible de partager avec les autres, qui n’ont alors qu’à s’abonner.

 

Inoreader est un des lecteurs RSS le plus riche en options, si ce n’est le plus riche. Est-ce un problème pour les nouveaux utilisateurs ?

Avoir autant de fonctions et d’options sous le capot et garder une application facile d’accès est clairement un challenge. Nous travaillons dur pour garder une excellente expérience utilisateur et ne pas submerger les nouveaux arrivants avec des tonnes de choses, mais nous pouvons encore mieux faire. Les nouveaux inscrits sont plus guidés que par le passé et nous avons aussi écrit beaucoup de tutos, qui couvrent un peu tous les usages, des plus basiques aux plus avancés.

 

Quelle est l’étape suivante pour Inoreader ? Avez-vous encore des choses à rajouter ?

Il y a toujours des choses à faire, des astuces à trouver pour optimiser les performances, corriger des bugs… Sans parler des améliorations sur nos apps mobiles. À bientôt 4 ans, ce produit est mature, mais nous avons trouvé le moyen de rajouter quelques fonctions majeures en 2016. Qui sait ce que 2017 nous réserve ! ;)

Galerie

 


Note : cet article est l’équivalent de plusieurs pages de magazine. Il n’est possible de rédiger (ou plutôt écrire / réécrire / corriger / intégrer) des papiers de cette taille que grâce à nos soutiens Paypal, mais surtout à nos patrons. Oui, on sait, ce n’est pas le bon terme. Mais nous, ça nous fait rire. Et quand on reçoit des sous aussi, d’ailleurs. Du coup, merci à vous, qui mettez la main à la poche pour nous inciter à bien bosser ! Et si vous n’avez pas encore franchi le pas, pensez à soutenir Geekzone pour que nous puissions augmenter la cadence !

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