La saga Marvel Studios, 12ème partie : Guardians of the Galaxy, they are Groot!

Dixième film du Marvel Cinematic Universe et pari hautement risqué, basé sur un comics plutôt méconnu, Guardians of the Galaxy va pourtant se hisser au sommet du box office et susciter un enthousiasme quasi unanime dans la presse et auprès du public. Ce succès, on le doit surtout à la vision de James Gunn, réalisateur et scénariste élevé au bon grain de l’usine à séries Z que fut la maison de production Troma…

En 2009, après avoir jeté avec brio les bases du MCU, les petits gars de Marvel Studios recrutent une équipe de scénaristes pour plancher sur des projets annexes, en marge des franchises déjà en chantier que sont Iron Man, Captain America, Thor et The Avengers. L’idée, c’est d’explorer de nouvelles pistes susceptibles d’enrichir, dans un avenir plus ou moins proche, l’univers partagé initié l’année précédente.

Parmi ces projets en développement précoce, on retrouve notamment l’adaptation des Runaways (sur laquelle bosse Drew Pearce, co-scénariste d’Iron Man 3, et dont on a déjà parlé), mais également d’autres licences en phase exploratoire, comme Black Panther, Captain Marvel et un groupe d’aventuriers de l’espace, répondant au sobriquet de Guardians of the Galaxy. C’est à Nicole Perlman (qui vient tout juste d’officier comme « script doctor » sur le premier Thor) que va incomber la tâche de s’occuper de ce nouveau projet cosmique, projet dans lequel elle va s’investir pendant pas loin de deux ans.

Une longue immersion durant laquelle elle dévorera l’intégralité des comics de la joyeuse bande, pour finalement accoucher d’une première version du scénario. Son choix définitif se portera sur la deuxième itération des Guardians dans les comics, à savoir ceux du reboot de 2008, et non sur l’équipe originale de 1969, jugée un poil trop désuète pour une adaptation sur grand écran.

Cosmique de répétition

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L’un des tout premiers artworks présentés au public au moment de l’annonce du film. Ne dites pas à Rocket qu’il a une grosse tête, ou vous risquez de prendre du plomb dans l’aile.

Bien que le projet ait déjà été vaguement mentionné en 2010 par Kevin Feige, le grand patron du studio, il faudra attendre juillet 2012, et la Comic-Con de San Diego, pour qu’une annonce officielle soit faite. Le succès du premier Thor n’est sans doute pas étranger à cette décision de lui donner le feu vert. Le public est a priori réceptif au pan cosmique de Marvel, Feige se dit alors probablement qu’il va tenter de pousser le bouchon un peu plus loin pour voir si ça mord toujours.

Et c’est via deux modestes artworks que le monde découvre alors Peter Quill, Gamora, Drax, mais surtout Rocket Raccoon, le raton-laveur génétiquement modifié et un chouïa psychopathe, flanqué de son inséparable Groot, un arbre dont le vocabulaire se limite à un laconique « I am Groot ». Sacré famille, qui intrigue et génère un buzz instantané autour du projet. Mais en parallèle à ce premier accueil qui fait essentiellement mousser les passionnés du comics, le reste du monde se demande surtout comment Marvel va réussir à transformer ce matériau clairement décalé en quelque chose qui fonctionne à l’écran, tout en évitant l’écueil du kitch. La solution se trouve du côté du réalisateur…

Smoking Gunn

James Gunn, le réalisateur, manifestement très proche de ses acteurs.

James Gunn, le réalisateur, manifestement très proche de ses acteurs.

Après avoir approché Peyton Reed (qui remplacera plus tard Edgar Wright sur Ant-Man) et le duo Ryan Fleck / Anna Boden (Sugar), c’est finalement à James Gunn que Marvel confie la rude tâche de superviser ce projet un peu fou. Peu connu du grand public, le monsieur a pourtant déjà à son palmarès quelques films plus que notables, comme les excellents Slither et Super.

Mais c’est également un poulain de LLoyd Kaufman, avec qui il a fait ses premières armes ciné sous la bannière Troma, maison de production indépendante spécialisée dans les films d’horreur rigolos à petit budget (souvenez-vous, l’inénarrable Tromeo & Juliet, on le devait déjà à la plume de Gunn).

Gunn signe sans se faire prier : il est fan des comics, impossible de refuser la concrétisation d’un véritable rêve de gosse. Cependant, malgré le boulot colossal abattu par Perlman sur le scénario, Gunn n’est pas du tout fan de son traitement et décide de le réécrire complètement à sa sauce, avec la bénédiction de Marvel et de son consultant créatif, Joss Whedon, qui ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur le monsieur. A l’aube du tournage, le scénario finira dans les mains de l’incontournable duo Markus/McFeely (dont on a déjà largement parlé dans cette saga) qui se chargeront d’y mettre une dernière petite couche de vernis avant d’attaquer la phase de production.

« A bunch of a-holes… »

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Résultat après six mois de sport. J’avoue, ça donnerait presque envie de s’y remettre.

Reste maintenant à caster les joyeux lurons qui composent la team, et plus particulièrement leur leader, Peter Quill, vaurien galactique, sorte de Han Solo version Marvel. Le rôle est clé, pas question de se gourer sur l’acteur qui l’incarnera. Car même s’il s’agit d’un film articulé autour d’un groupe, Quill est le perso central qui va déterminer si la sauce prend ou si l’entreprise se transforme en désastre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Gunn a beaucoup de mal à dégoter la perle rare. Il voit défiler un paquet d’acteurs (dont notamment Joseph Gordon-Levvit, et Lee Pace, qui finira par récupérer celui du « big bad », Ronan) mais personne avec qui le courant ne passe véritablement.

Sarah Finn, la directrice de casting du film suggère le nom de Chris Pratt, à plusieurs reprises, mais Gunn n’en veut pas. Il faut dire qu’à l’époque, l’acteur incarne le grassouillet (et un peu benêt) Andy Dwyer dans la série Parks & Recreation, et qu’il semble alors difficile de l’imaginer dans la peau du légendaire Star-Lord. Finn insiste pourtant et réussit finalement à organiser un diner entre les deux hommes. Et là, c’est le coup de foudre ! La ténacité de Finn a porté ses fruits : Gunn a enfin trouvé son Peter Quill. Pratt signe dans la foulée et, pour témoigner de sa motivation, se lance dans un régime draconien qui lui fera perdre la bagatelle de 27 kilos en six mois. Belle dévotion à son art. C’est Anna Faris qui a dû être contente.

Le reste du cast se complètera sans aucune difficulté majeure, avec les noms qu’on connait : Zoe Saldana et le catcheur Dave Bautista en tête, mais aussi les voix de Bradley Cooper et Vin Diesel pour les deux créatures animées. En outre, la réputation désormais stellaire de Marvel Studios leur permettra, comme c’est désormais leur habitude, de décrocher quelques noms prestigieux pour des seconds rôles (Glenn Close, Benicio Del Toro ou encore John C. Reilly, pour ne citer qu’eux, ça devrait bien se passer).

Mise au vert

James Gunn (à gauche) avec son frangin Sean, tout de vert vêtu pour donner la réplique en lieu et place du Rocket Raccoon qui sera intégré en post-production.

James Gunn (à gauche) avec son frangin Sean, pas franchement convaincu par son cosplay de The Hulk.

Le tournage peut enfin commencer, avec une difficulté de taille comme on l’a déjà vu : le cast principal comporte deux personnages qui seront intégralement ajoutés en images de synthèse pendant la phase de post-production. Du coup, pour tenter de faciliter le boulot des acteurs, et leur éviter d’avoir à interagir dans le vide, Gunn va proposer à son frangin Sean (Kirk dans la série Gilmore Girls) de jouer les substituts en combinaison verte. Il servira de remplaçant provisoire à Rocket Raccoon, Groot et même Thanos (le big bad suprême du MCU) qui, à ce moment du tournage, n’a pas encore été casté.

D’ailleurs, petite parenthèse puisqu’on parle du « puppet master » Thanos : si Gunn envisage GotG comme un film relativement indépendant du MCU, il se trouve que c’est finalement dans son long métrage que le public découvrira véritablement pour la première fois le Titan Fou (après un rapide caméo muet à la fin de The Avengers). Pour incarner le personnage, Marvel a recruté sur le tard l’acteur Josh Brolin, qui lui prêtera non seulement sa voix, mais aussi son visage (via la « performance capture » déjà utilisée pour Hulk). Rajoutez à cela une première explication détaillée des Infinity Stones, les McGuffin du MCU, et vous comprendrez aisément pourquoi on peut dire que, malgré l’absence des héros des autres franchises, ce 10ème film n’est finalement pas si indépendant que ça du reste de l’univers

« I have a plan! »

Un grattage de burnes qui aura sans doute demandé des heures de calcul.

Un grattage de burnes qui aura sans doute demandé des heures de calcul.

Le tournage du film se déroulera de juillet à octobre 2013, principalement en Angleterre dans les studios Shepperton de Londres, et aucun incident ne viendra entraver son déroulement. Le gros du boulot, Gunn le sait bien, il est pour après, en phase post-production, quand il va falloir intégrer les décors extra-terrestres, les plans spatiaux, les vaisseaux et surtout les deux personnages en CGI. Même si, comme les autres réalisateurs du MCU, Gunn veut privilégier les effets pratiques, ce ne sont pas moins de 90% du film qui seront au final composés d’effets virtuels (soit 2750 plans de VFX, un joli score).

Le gros du boulot concerne bien évidemment Rocket Raccoon et Groot. Pour donner vie aux deux personnages de synthèse, Marvel va principalement bosser avec deux boites spécialisées dans les effets spéciaux virtuels : Framestore et MPC (chapeautée par le petit frenchy Nicolas Aithadi), chacune affectée à un perso particulier. Sans compter les nombreux sous-traitants qui s’occuperont dans l’ombre des différentes facettes de ces acteurs peu ordinaires (texture, fourrure, expressions faciales, etc.). L’une des plus grosses réussites du film, c’est sans conteste cette prouesse technologique d’avoir réussi à donner une vie propre et un côté attachant à ce qui ne sont finalement que de vulgaires pixels. Comme le dit fort bien Rocket dans le film, « ain’t no thing like me ‘cept me.« 

♫ Ooga Ooga Ooga Chaka! ♫

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Ils sont un peu craqués les nouveaux fauteuils des juges de The Voice.

Enfin, il serait difficile de passer sous silence l’importance de la musique dans le film. Non seulement via la présence de nombreux morceaux des années 60 et 70, méticuleusement sélectionnés par Gunn lui-même, et désormais seul lien entre Quill et sa Terre natale.

Des morceaux dont l’ancienneté contrastent avec l’univers futuriste dans lequel évoluent nos héros, et qui donneront au long métrage ce cachet si particulier.

Sans oublier le boulot de Tyler Bates sur la bande originale qui, pour une fois, ne sera pas totalement intégrée en post-production. A la manière d’un clip, la musique de certaines scènes a été composée en amont du tournage, et Gunn s’est ensuite chargé de les filmer en synchro avec la bande-son.

Un succès intergalactique

Le film sera présenté en avant-première au Dolby Theatre d’Hollywood le 21 juillet 2014, puis déferlera sur le reste de la planète Terre dès le 31 du même mois, avec le succès critique et populaire qu’on lui connait (780 millions de dollars au box office pour un budget estimé à environ 200 millions). Preuve supplémentaire que rien ne semble pouvoir résister au tsunami Marvel Studios. Tout ce qu’ils touchent depuis leurs débuts en 2008 se transforme irrémédiablement en succès.

Comme le soulignaient avec ironie certains journalistes au moment de la sortie du film : « Pendant que DC galère à monter un film sur Wonder Woman, Marvel vient de faire un bénef’ monstre avec un film dans lequel évoluent un raton-laveur qui parle et un arbre qui marche. » Rien à ajouter. Prochaine étape pour le MCU ciné, le très (trop ?) attendu Avengers: Age of Ultron, qui verra se conclure la phase 2 avant l’épilogue Ant-Man.

Mais d’ici là, on va d’abord aller jeter un coup d’œil à la petite lucarne et s’intéresser à la romance qui est en train de naitre entre Marvel et Netflix. Les deux sociétés viennent en effet de signer un deal unique en son genre pour produire (en trio avec ABC) quatre nouvelles séries, qui devraient culminer par une mini-série crossover. Les prémices d’un MCU télé ? On en reparle la semaine prochaine…

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


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