La saga Marvel Studios, 24ème partie : Ant-Man & The Wasp, le trou normand du MCU

Vingtième film du Marvel Cinematic Universe, et deuxième volet des aventures de Scott Lang, alias Ant-Man (dont le premier chapitre avait connu une genèse pour le moins houleuse), Ant-Man & The Wasp nous offre une respiration bienvenue après un Infinity War particulièrement sombre et pessimiste. Une fois encore relégué en épilogue de la franchise Avengers, l’homme-fourmi parvient à tirer son épingle du jeu en proposant un divertissement léger, assumant sans restreinte son décalage.

Ant-Man & The WaspAprès le difficile chantier que fut le Ant-Man de 2015, initialement chapeauté par Edgar Wright, le film avait acquis au sein du MCU un statut de “trou normand”, petite pastille décalée, finalement assez détachée du reste de l’univers cinématique de Marvel Studios. Une incongruité quand on sait que dans les comics, le personnage d’Ant-Man fut un des membres fondateurs des Avengers. Ce nouvel opus confirme cette place particulière en proposant à nouveau une aventure relativement éloignée de la trame principale occupant les Avengers et autres Gardiens de la Galaxie… En tous cas en apparence, comme on le verra plus loin.

Comme à l’accoutumée avec le studio, quand ça fonctionne bien, on ne change pas une équipe qui gagne. C’est donc fort logiquement que le patron, Kevin Feige, propose à Peyton Reed de reprendre le flambeau, dès la sortie du premier volet, en juillet 2015. Après deux mois de négociations, le réalisateur accepte et s’attache dans la foulée à jeter les premières bases du projet. Le titre de cette suite, Ant-Man & The Wasp, est annoncé officiellement dès octobre 2015, et planifié pour une sortie en salle le 6 juillet 2018.

Ce qui a convaincu Reed, c’est surtout la possibilité de pouvoir cette fois-ci gérer le développement du film depuis son origine, et plus de reprendre en vol une patate chaude, comme ce fut le cas quand il s’est agi de sauver du naufrage le Ant-Man de Wright.

L’envie du réalisateur est double : d’abord, mettre enfin en avant le personnage de Wasp, Hope van Dyne, incarnée par Evangeline Lilly, et la plonger au cœur de l’intrigue et des scènes d’action. La scène post-générique du premier film laissait entendre qu’Hope allait enfin pouvoir endosser le costume (« It’s about damn time !« ), il était temps de concrétiser l’idée dans les faits. Pour l’anecdote, le film devait d’ailleurs initialement s’appeler Wasp & The Ant-Man, une option finalement abandonnée par la production, officiellement pour ne pas froisser les fans de comics. Une occasion manquée de marquer le coup…

Le deuxième objectif de Reed, intimement lié au premier, c’est d’axer principalement le film sur la dynamique unique qui lie les deux protagonistes principaux, à savoir celle d’un duo de super-héros qui forme également un couple à la ville. Une configuration inédite dans le MCU dont le réalisateur veut profiter pour faire de cette suite un film encore plus différent des autres productions maison.

C’est notre projet

Ant-Man & The Wasp

Peyton Reed, déclarant ici sa flamme à Evangeline Lilly, via un petit poème qu’il écrit lui-même, sous le regard circonspect de l’ami Paul Rudd.

C’est au duo de scénaristes qui avait assuré la finition du premier film, Gabriel Ferrari et Andrew Barrer (issus de l’écurie interne de Marvel Studios) qu’on confie la délicate tâche de bosser sur ce qu’on appelle un “premier traitement”, c’est à dire une première version brute du scénario, présentant la trame principale. Rapidement, Paul Rudd (l’acteur qui incarne Scott Lang et qui avait déjà aidé à peaufiner le scénario de l’opus précédent) rejoint l’équipe de scribes, accompagné d’Adam McKay (Anchorman, The Big Short, lui aussi impliqué sur le premier) et du réalisateur Peyton Reed.

Ensemble, ils explorent et décortiquent une cinquantaine d’années de comics, des premiers Avengers du début des années 60, jusqu’aux arcs Ant-Man plus récents de Nick Spencer, et particulièrement la série Astonishing Ant-Man publiée depuis 2015.

En octobre 2016, quelques mois après l’incontournable Comic-Con de San Diego, on apprend qu’une première version complète du scénario vient d’être soumise aux pontes du studio, mais que le résultat est encore loin de convaincre. Le tournage qui devait commencer début 2017 est du coup repoussé à juin 2017. “Rien ne sert de courir”, un adage qui n’a pas quitté Marvel Studios depuis le semi-fiasco du précipité Iron Man 2.

Pour ce deuxième volet des aventures de Scott Lang, Reed et sa bande veulent sortir quelque peu du carcan habituel des “gentils contre les méchants”, et introduire d’autres protagonistes plus nuancés. Ce sera le rôle rempli par Ghost (incarné par Hannah John-Kamen, découverte dans les séries Killjoys et Black Mirror) et Goliath (auquel le vétéran Morpheus Laurence Fishburne prêtera ses traits), deux personnages dont les motivations sont moins binaires que celles rencontrées habituellement dans des films du genre.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le seul véritable “bad guy” de l’histoire, incarné par Walton Goggins (The Shield, Justified) s’avère finalement n’être une version bête et méchante de l’archétype, comme un ultime pied de nez à l’univers parfois très manichéen des comics. Au contraire des véritables antagonistes du duo de super-héros miniatures, Ghost et Goliath, qui ont des motivations qui s’ancrent finalement dans de nobles intentions.

Au final, sous ses airs de film mineur dans la franchise, mais comme d’autres films du MCU avant lui, Ant-Man & The Wasp amène à son tour quelques subtiles évolutions dans un genre qu’on critique encore trop souvent pour ses codes rigides et son manque de nuances.

Vestiges de guerre

Ant-Man & The Wasp

Ghost, une « bad guy » pas si bad que ça en fait, et qui cherche surtout à sauver sa peau après un incident quantique plutôt coton. Qui a dit que le MCU ne faisait pas dans la nuance ?

Côté chronologie, Ant-Man & The Wasp embraie directement à la suite de Captain America: Civil War. Scott Lang est assigné à résidence par le FBI pour avoir fricoté avec les Avengers, désormais considérés comme hors-la-loi, et tente désespérément de reprendre le contrôle de sa vie. Hank Pym, son ex-mentor, lui fait un peu la gueule, principalement parce qu’il n’a pas trop apprécié le fait que Lang révèle au grand jour l’existence du fameux costume qui permet de rétrécir.

Un postulat qui permet aux scénaristes de montrer à l’écran, un peu plus en profondeur que dans Infinity War, les conséquences des accords de Sokovie et de la rupture des Avengers, en dévoilant l’impact humain de ces événements sur Scott et son entourage proche. D’ailleurs, le film, qui se déroule officiellement sur une période de 48 heures, est quasi complètement détaché de la trame d’Infinity War, si l’on omet la tragique scène post-générique (attention spoiler) qui voit Janet, Hope et Hank Pym s’évaporer à leur tour en fumée.

L’absence d’Ant-Man au générique du troisième film Avengers n’a pas pour autant empêché Reed et les frères Russo de communiquer régulièrement pour coordonner leurs efforts. L’écriture d’Ant-Man & The Wasp se déroulant durant le tournage d’Infinity War, il était important que les deux œuvres n’introduisent pas de malencontreuses contradictions. Reed envisage d’ailleurs pendant un moment de parsemer son film de petits « easter eggs » pour établir une connexion plus directe avec la trame qui occupe les Avengers. Mais finalement, comme expliqué quelque lignes plus haut, ce sera via le “stinger” en fin de film que le réalisateur nous rappellera que, pendant que Lang et sa bande s’aventuraient dans le Quantum Realm à la recherche de Janet van Dyne, Thanos en profitait pour réduire la population de l’Univers de moitié, d’un simple claquement de doigts.

La chirurgie, c’est « has been »

Ant-Man & The Wasp

Foxmonsieur vous dirait que pour rajeunir Michelle Pfeiffer, il n’a sans doute pas fallu beaucoup de puissance de calcul. Et on ne pourrait pas vraiment lui donner tort… ❤

Une fois le casting bouclé, et après quelques ultimes retouches au scénario assurées par le duo Chris McKenna / Erik Sommers (qui avaient déjà posé leur plume sur Spider-Man: Homecoming), le tournage de ce deuxième volet démarre finalement avec un peu de retard, en août 2017, soit un mois à peine après la fin des « reshoots » du film des frères Russo. Petite anecdote pour briller en société : le directeur photo du film n’est autre que le vénérable Dante Spinotti, un vétéran de l’industrie à qui l’on doit notamment la patte si particulière du chef d’œuvre de Michael Mann, Heat.

La production démarre à Atlanta, dans les célèbres studios Pinewood, désormais deuxième demeure de Feige et sa bande, se poursuit à San Francisco en septembre 2017, prolonge son périple à Hawaii en octobre, et se conclut en novembre, avant d’attaquer une phase de post-production qui s’annonce dantesque.

Parce que non seulement il va falloir gérer les folies visuelles de Reed et son équipe, qui ont décidé de mettre le paquet sur les jeux de taille(s) qu’autorise la franchise, mais il va en outre falloir s’attacher à proposer au public une vision du Quantum Realm bien plus développée que dans le premier film. Son design sera notamment supervisé par le petit frenchie Stéphane Ceretti qui, depuis les Guardians of the Galaxy et surtout Doctor Strange, a acquis ses gallons d’homme incontournable au sein de l’écurie Marvel Studios.

L’autre chantier de cette phase de post-production, c’est bien entendu tout ce qui concerne le “de-aging”, ce procédé introduit dans le premier Ant-Man et qui consiste à rajeunir les acteurs grâce aux images de synthèse. Une technique déjà améliorée dans Captain America: Civil War (souvenez-vous de la cure de jouvence de Robert Downey Jr.) et qui va encore se perfectionner ici, par le biais de flash-backs mettant en scène des versions “années 80” plutôt impressionnantes de Michael Douglas et Michelle Pfeiffer. Une réussite qu’on doit une fois de plus à la société Lola VFX, partenaire de Marvel Studios depuis ses débuts, et responsable des avancées incroyables qu’a connu cette technique de rajeunissement ces dix dernières années.

Petit film, gros impact ?

Ant-Man & The Wasp

On sait que Peyton Reed en a un peu voulu aux frères Russo de lui avoir soufflé la primeur de Giant Man dans Captain America: Civil War. Du coup il se rattrape ici avec un costume défectueux qui confère à Scott Lang d’inopinés changements de tailles à répétition.

Paradoxalement, alors que la quasi totalité du film se déroule indépendamment des événements qui émaillent la franchise MCU, Ant-Man & The Wasp semble en réalité receler une importance capitale pour la suite des films Marvel Studios. C’est en tous cas ce qui ressort de nombreuses interviews avec les troupes de Feige, qui précisent régulièrement que le film va avoir un impact prédominant sur la suite des aventures de nos super-héros préférés. Le Quantum Realm abriterait-il la clé de la victoire contre Thanos dans Avengers 4 ? Pour l’heure, nul ne le sait.

En attendant d’avoir la réponse à cette cruciale question, Ant-Man & The Wasp fait carton plein, et totalise à ce jour plus de 620 millions de dollars de recette pour un budget initial estimé à moins de 200 millions. Et la critique est une fois encore à l’avenant, soulignant la fraicheur du film et l’alchimie efficace entre les acteurs, principalement le tandem Paul Rudd / Evangeline Lilly, au meilleur de leur forme.

Pour l’heure, nul ne sait encore de quoi sera fait l’avenir de la franchise. On parle bien évidemment déjà d’un Ant-Man 3, pas de raison de casser un jouet qui fonctionne bien et offre de précieuses respirations dans un MCU de plus en plus sombre. Mais on ignore encore la forme qu’il prendra, même si Michael Douglas s’est d’ores et déjà montré très intéressé par la possibilité de produire une préquelle, qui le mettrait en scène en costume, avec une vingtaine d’années de moins. Nul doute que la technologie de rajeunissement permettrait une telle fantaisie. En tous cas, moi je serais clairement client. D’autant que ce serait raccord avec le prochain film des studios, le très attendu Captain Marvel, qui explorera déjà le passé, avec une trame située dans les années 90.

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


Note : cet article est l’équivalent de 4 à 5 pages de magazine. Il n’est possible de rédiger des papiers de cette taille que grâce à nos soutiens Paypal, mais surtout à nos patrons. Oui, on sait, c’est pas le bon terme. Mais nous, ça nous fait rire. Et quand on reçoit des sous aussi, d’ailleurs. Du coup, merci à vous, qui mettez la main à la poche pour nous inciter à bien bosser ! Et si vous n’avez pas encore franchi le pas, pensez à soutenir Geekzone pour que nous puissions augmenter la cadence !

Vous devriez également aimer…