La saga Marvel Studios, 21ème partie : Thor: Ragnarok, la fin justifie les moyens

Thor, sans doute la franchise la moins populaire du MCU, fait son retour sur les écrans avec un troisième opus qui annonce sans ménagement « la fin de tout ». Mais Ragnarok, ce n’est pas qu’une onde de destruction, c’est aussi le cycle du renouveau et du changement : on casse tout pour mieux recommencer. Une réinvention dont avait sans doute bien besoin le Dieu Asgardien, et dont le studio va confier la réalisation à un hurluberlu néo-zélandais, un certain Taika Waititi…

Thor: Ragnarok

Dix-septième film à sortir des usines Marvel Studios (depuis le premier Iron Man en 2008, il y a presque dix ans déjà) et nouvel ajout au catalogue sans cesse grandissant du Marvel Cinematic Universe, Thor: Ragnarok n’est pas à proprement parler une suite directe de Thor: The Dark World, le second opus de la franchise. Certes, il s’inscrit dans un arc narratif cher au studio, celui de la trilogie axée autour d’un personnage. Mais dans les faits, et dans la chronologie du MCU, il se déroule juste après les événements d’Avengers: Age of Ultron, et en parallèle de Captain America: Civil War.

Comme pour Iron Man ou Captain America, l’histoire de Thor va suivre une progression en trois temps. Un premier film qui présente la découverte des pouvoirs et des responsabilités qui vont avec, la fameuse « origin story ». Un second qui intègre le personnage de manière organique au reste du MCU, via les pierres de l’Infini pour Thor: The Dark World, l’arrivée du SHIELD dans Iron Man 2, et sa chute dans Captain America: The Winter Soldier. Et enfin, un arc de transition qui amène une part importante de changements fondamentaux dans le personnage : Tony Stark qui surmonte sa crise de conscience dans Iron Man 3, ou Steve Rogers qui passe de héros national à criminel de guerre dans Captain America: Civil War.

Pour respecter un tel canevas, ce troisième volet des aventures de Thor se doit donc de marquer la fin d’un arc, et un passage pivot dans l’histoire de son héros principal. Pas étonnant dès lors d’apprendre qu’en octobre 2013, avant même la sortie de Thor: The Dark World dans les salles, Kevin Feige, le patron du studio, a déjà un sous-titre en tête, et une idée très claire de ce qu’il veut raconter dans ce futur troisième volet. Pendant plusieurs mois, le mot emblématique « Ragnarok » va circuler dans les milieux autorisés, et susciter un doux frémissement d’excitation chez les fans. Il faut dire que l’arc est bien connu des amateurs de comics, et souvent associé à la destruction pure et simple d’Asgard. Pas vraiment ce qu’on pourrait qualifier a priori d’épisode anecdotique…

Tout doit disparaître !

Thor: Ragnarok

« Stop! Hammer time! »
(Cate Blanchett, absolument délicieuse en Hela, Déesse de la Mort.
J’arrête de respirer tant qu’elle n’est pas confirmée au casting d’Infinity War.)

Dévoilé en grandes pompes lors de la fameuse conférence « Phase 3 » du 28 octobre 2014 (que je vous narrais dans l’épisode sur Captain America: Civil War), Thor: Ragnarok est initialement annoncé pour le 28 juillet 2017. Une sortie qui sera ensuite repoussée au 3 novembre de la même année, quand le deal avec Sony va (enfin) permettre à Marvel Studios d’intercaler un inattendu reboot de Spider-Man dans sa timeline.

Dès l’annonce, Feige précise qu’il s’agira d’un film important, voire carrément charnière, pour toute la Phase 3 du MCU. Il confirme en outre que, comme dans les comics, le terme « Ragnarok » n’est pas à prendre à la légère, et indique une vague potentielle de destructions cosmiques, ainsi qu’un incidence certaine sur le reste de l’univers cinématique. D’ailleurs, au passage, si vous voulez en apprendre plus sur cet arc mythique dans les bandes-dessinées, je vous invite à jeter une oreille à l’épisode 39 des Clairvoyants, où l’infatigable Foxmonsieur vous condense un rapide résumé du bordel en 15 minutes. TL;DR : Asgard est détruit.

Après avoir vu le film, il faut toutefois tempérer ces promesses d’impact sur l’univers cinématique. Certes, pour le héros titre, Thor: Ragnarok marque un tournant important de l’histoire. Mais si on prend un peu de recul, on constate assez vite que le film est finalement très détaché du MCU dans son ensemble. Pas de pierres de l’Infini, comme on s’y attendait, et pas de Thanos, même si le gros vaisseau qui apparaît dans une des scènes post-génériques ne laisse aucun doute sur son arrivée imminente. En fait, en dehors d’une rapide et rigolote apparition d’un Doctor Strange en totale maîtrise de ses pouvoirs, il n’y a pas de réelle connexion avec les autres protagonistes de l’univers, qu’il s’agisse des Avengers ou même des Guardians.

Fondamentalement, Thor : Ragnarok propose avant tout une histoire annexe au reste de la trame « Infinity Stones », axée principalement sur notre Odinson adoré, mais aussi dans une moindre mesure, sur Bruce Banner et son alter ego The Hulk. Pour ce dernier, Thor: Ragnarok fait office de prolongement à l’arc entamé dans Age of Ultron. Un arc qui devrait, d’après Mark Ruffalo (qui incarne le géant vert à l’écran), se conclure dans Avengers: Infinity War. On a hâte.

Un film détaché, donc, mais finalement pas tant que ça, puisqu’il permet malgré tout de faire avancer les « backstories » de deux personnages importants du MCU.

Avant l’heure, c’est Banner

Thor: Ragnarok

Hulk, un collègue du taf.

En mai 2015, pendant qu’Eric Pearson (qui a déjà signé les One-Shots de Marvel Studios) bosse sur une nouvelle version d’un scénario écrit à l’origine par Christophe Yost et Craig Kyle, on apprend que le tournage commencera officiellement en juin de l’année suivante. Même si à ce moment, on ignore encore qui va poser son postérieur dans la chaise du réalisateur… Une chose est sure : Alan Taylor (Thor : The Dark World) n’a clairement aucune envie de rempiler. Il faut dire que son expérience avec Marvel Studios n’a pas été des plus engageantes : garanti d’un contrôle créatif total pendant le tournage, ce privilège lui sera finalement retiré au moment de la post-production. Une situation similaire à ce qu’avait vécu Edward Norton sur The Incredible Hulk, et donc franchement pas de quoi avoir envie de remettre le couvert…

Plutôt que de jouer la sécurité et de rappeler Kenneth Brannagh (réalisateur du premier film de la saga, et ouvertement intéressé par l’idée d’y revenir), Feige va jeter son dévolu sur un petit réalisateur indépendant et peu connu, le néo-zélandais Taika Waititi, dont le nom commence alors doucement à « buzzer », notamment grâce à l’excellente comédie vampirique What We Do In The Shadows (à voir absolument si vous êtes fan d’humour absurde).

Pour convaincre Marvel Studios qu’il est le bon choix, Waititi va réaliser un petit montage vidéo intégrant des extraits d’autres films, histoire de donner à ses interlocuteurs une idée du ton qu’il veut insuffler au film. Et même si Feige expliquera plus tard qu’il déconseille ce genre de pratique aux réalisateurs qui viennent auditionner chez eux, il avouera que dans le cas de l’ami Taika, la sauce a plutôt bien pris.

Côté casting, la grosse surprise, c’est l’annonce de Mark Ruffalo, alias Bruce Banner / The Hulk en sidekick de Thor. Pourtant, l’idée d’intégrer le personnage dans le film est venue assez tard. À la base, les scénaristes voulaient surtout s’inspirer des combats de gladiateurs qu’on retrouve dans l’arc Planet Hulk des comics, mais sans pour autant y inclure l’alter ego monstrueux de Banner. Finalement, presque sans trop y réfléchir, Pearson a demandé si Feige avait des plans pour le perso, et la suite, vous la connaissez : The Hulk a finalement intégré la trame du film, pour le plus grand plaisir des fans, impatients de découvrir enfin ce qui avait bien pu lui arriver à l’issue d’Age of Ultron.

Pour le reste, comme à l’accoutumée avec Marvel Studios, que du beau linge niveau casting : Cate Blanchett en Hela, Thessa Thompson en Valkyrie, Jeff Goldblum en Grandmaster délirant, sans oublier bien entendu le retour de Tom Hiddleston dans le costume de l’insaisissable Loki. C’est devenu une évidence aujourd’hui (et les films à venir le confirment) : tout le gratin hollywoodien a apparemment envie de lister un film MCU dans son CV.

King Korg

Thor: Ragnarok

Le réalisateur Taika Waititi, affublé des capteurs nécessaires pour donner vie à Korg (et bénéficiant manifestement du soutien inconditionnel de Chris Hemsworth pour ce dur labeur).

Interrogé au moment de l’annonce du film, Chris Hemsworth (qui incarne le Prince Asgardien à l’écran) déclare que ce qu’il attend de ce Thor: Ragnarok, c’est qu’il soit plus drôle que The Dark World. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne va pas être déçu.

Le tournage débute finalement le 6 juillet 2016, en Nouvelle-Zélande et Australie, et d’entrée de jeu, Taika Waititi encourage ses acteurs à un maximum d’improvisation (80 % des dialogues du film en seraient issus, si l’on en croit le réalisateur). Il pousse carrément un Goldblum jouasse à exprimer librement sa vision du Grandmaster, quitte à s’attirer le courroux des fans les plus rigides (une prise de liberté qui n’est pas sans rappeler le drama qu’avait suscité la version MCU du Mandarin).

Et quand il ne s’appuie pas sur les talents de ses petits camarades acteurs, Waititi insuffle lui-même une dose d’humour supplémentaire, directement dans le scénario. Un scénario qui, comme toujours avec Marvel Studios, continue d’évoluer et d’être ré-imaginé pendant les phases de production et de post-production. Parfois même à quelques semaines de la sortie en salles, comme cette fameuse scène du marteau réécrite in extremis, transférée de New York dans un premier trailer, aux contrées verdoyantes de Norvège dans un second (ainsi que dans le produit final).

Des aller-retours incessants pour ajuster la trame qui expliquent sans doute la disparition pure et simple de Lady Sif, qui avait pourtant été initialement annoncée (de la voix même de son actrice, Jaimie Alexander) comme centrale à l’intrigue. Durant le tournage, on apprend également que Waititi s’est octroyé un rôle dans le film, celui du personnage de synthèse Korg, célèbre Kronan des comics, qui va se voir attribuer le délicat rôle de ressort comique, au grand dam une fois encore des puristes de phylactères.

Odeur de synthé

Thor: Ragnarok

Officiellement cousins dans le MCU, le Collector (Benicio Del Toro) et le Grandmaster (le fantastique Jeff Goldblum) partagent une même passion pour la fashion.

Je ne serais pas complet sans consacrer une petite partie de ce dossier à la musique tout aussi décalée du film. On a souvent reproché à Marvel Studios de produire des bandes-sons assez jetables et sans réelle accroche, et il faut croire que, pour le coup, ils ont bien entendu la complainte. Non seulement en choisissant de confier la composition du soundtrack de ce troisième volet à Mark Mothersbaugh, mais surtout en lui donnant manifestement toute latitude pour ancrer sa partition dans la thématique « 80s » du film.

Pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler du monsieur, j’en dressais un bref portrait dans le dernier épisode de Torréfaction : artiste américain aux multiples talents, traînant derrière lui une carrière longue de 40 ans, il est surtout connu pour avoir cofondé le groupe new wave Devo, modeste mais efficace usine à tubes dans les années 80 (le délicieux Whip It, que tout le monde doit connaître, c’était eux). Du coup, pas étonnant de le retrouver à la sonorisation de ce Thor: Ragnarok, dont les références visuelles aux « eighties » sont plus qu’appuyées.

Avec une identité aussi marquée, et finalement assez proche de celle des Guardians of the Galaxy, pas étonnant que ce film dont on n’attendait au départ pas grand-chose, ait commencé à faire tourner les têtes dès la mise en ligne d’une première bande-annonce (record de vues à 24h pour Marvel et Disney, rien que ça). Présenté en avant-première au célèbre El Capitan Theatre de Los Angeles le 10 octobre dernier, le film est sorti chez nous le 24, et devrait attaquer le continent nord-américain dès le 3 novembre prochain.

Les analystes du box-office lui prédisent déjà une jolie carrière, avec des estimations à 125 millions de dollars pour le week-end d’ouverture, et pas moins de 250 millions pour la durée totale de sa carrière, et ce uniquement aux Etats-Unis. En extrapolant sur les chiffres du reste du monde, on devrait donc arriver à un joli total avoisinant les 750 millions de dollars, pour un budget initial de 180 millions. Pas mal pour une petite franchise qu’on avait, très honnêtement, presque oubliée. Notez également qu’a priori, le succès critique est également au rendez-vous, le film récoltant moult louanges de la part d’une presse qui a pourtant tendance d’ordinaire à manifester une certaine lassitude face à l’usine MCU.

Comme le résume plutôt bien Peter Debruge, critique chez Variety, « Thor: Ragnarok est sans conteste le meilleur des trois films Thor – ou peut-être que je pense cela parce que les scénaristes et moi sommes enfin tombés d’accord sur une chose : les films Thor sont absurdes. » Et quoi de mieux pour viser juste que d’assumer à fond cette loufoquerie inhérente… Bien joué, Monsieur Waititi.

En attendant, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ?


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