La saga Marvel Studios, 28e partie : WandaVision, Marvel Studios à l’assaut de la petite lucarne

Après quelque 18 mois d’absence, le Marvel Cinematic Universe fait (enfin) son grand retour, non pas dans les salles obscures, mais sur le petit écran, via le service de streaming flambant neuf de Disney. Après Agent Carter en 2015, collaboration avec Marvel Television qui n’aura duré que deux petites saisons sur ABC, Kevin Feige et sa bande reviennent dans nos postes de télé cette fois-ci en solitaire, avec un projet pour le moins particulier, l’ambitieux WandaVision.

WandaVisionDouble préambule : 1° comme d’habitude, les risques de « spoilers » sont plutôt élevés, donc n’entamez la lecture de ce dossier que si vous avez fini la série. Ou alors, ne venez pas vous plaindre après. 2° j’ai choisi de vous relater la genèse du projet et de m’en tenir aux coulisses et anecdotes de tournage, sans pousser dans les tréfonds de l’analyse. Mais si ça vous intéresse de creuser cette partie de manière plus détaillée, n’hésitez pas à jeter une oreille aux trois derniers épisodes des Clairvoyants (les 74, 75 et 76) où l’on se livre à l’exercice avec mes acolytes Foxmonsieur et Arkeon. Ces petites précisions d’usage étant faites, rentrons à présent dans le vif du sujet, si vous le voulez bien.

WandaVision

Une thérapie de couple à 200 millions de dollars.

Bye bye Netflix, hello Disney+

C’est à l’été 2017 que la maison de Mickey met officiellement un terme à son contrat avec Netflix et annonce dans la foulée le lancement imminent de son propre service de streaming, laconiquement baptisé Disney+. On apprend par la même occasion que chez Marvel Studios, cela fait déjà un petit moment qu’on réfléchit à la meilleure manière d’étendre le MCU ciné à cette nouvelle plateforme. Excellente nouvelle pour les fans, dont l’appétit pour les histoires de superhéros ne cesse de croître. Il faudra néanmoins patienter jusqu’en septembre 2018 pour en savoir un peu plus, et découvrir que Kevin Feige a déjà dans sa besace plusieurs miniséries centrées sur des personnages secondaires de la franchise. La bonne nouvelle, c’est que contrairement à ce qui se fait par exemple chez DC, où les personnages sont interprétés par des acteurs différents au ciné et en télé, la continuité du casting sera belle et bien maintenue dans cette nouvelle extension du Cinematic Universe.

Parmi les premières annonces, une surprise : Marvel Studios prépare une sitcom du nom de WandaVision qui, comme son nom le laisse supposer, mettra l’emphase sur Wanda Maximoff et son comparse l’androïde Vision, respectivement incarnés par Elizabeth Olsen et Paul Bettany à l’écran. Feige explique qu’on y suivra les aventures de ce couple improbable, qui vit désormais une existence paisible, retiré dans une petite ville de banlieue perdue au New Jersey. Un « pitch » pour le moins intriguant, surtout quand on considère ce petit point de détail : Vision est supposément mort, terrassé par la main du titan fou Thanos à la fin d’Avengers: Infinity War.

Avec l’annonce du titre et la publication de premiers « artworks » affichant un look très rétro, clairement inspiré des sitcoms du milieu du siècle dernier, l’étonnement monte encore d’un cran. Parmi les fans, on s’inquiète : tout cela a l’air un peu bébête. Une sitcom, vraiment ? Et comment Vision est-il revenu à la vie ? Les esprits créatifs de Marvel Studios auraient-ils « sauté par-dessus le requin » ? Le sentiment perdurera d’ailleurs après la diffusion des trois premiers épisodes chez les plus impatients des spectateurs, qui ne comprendront pas tout de suite où tonton Feige veut en venir.

WandaVision

Outre les performances absolument intouchables d’Elizabeth Olsen et Paul Bettany, l’autre grande révélation de cette série fut sans conteste l’excellente Kathryn Hann (qu’on espère revoir dans le MCU).

11 films et 14 séries, sinon rien

En 2018, au moment où ces premières miniséries Disney+ sont révélées au grand jour, Marvel Studios annonce son intention de produire pour chacune d’elles entre 6 et 8 épisodes, pour un budget total équivalent à celui d’un film (soit entre 150 et 250 millions de dollars). Pour WandaVision plus spécifiquement, on parle de 25 millions de dollars par épisode. À titre de comparaison, un « gros » épisode de Game of Thrones, c’était à peu près 15 millions de dollars, et le pilote d’Agents of SHIELD en avait pour sa part coûté 12. On n’est clairement pas du tout dans une échelle classique pour un produit de télévision, ce qui laisse présager à minima d’un niveau qualitatif élevé du côté de la réalisation et des effets spéciaux.

Petite parenthèse, puisqu’on parle d’AoS… À l’époque de cette grosse annonce de déclinaison télé du MCU, Kevin Feige insiste lourdement : tout sera produit en intégralité par Marvel Studios, plus rien à voir avec Marvel Televisions. L’occasion de prendre une fois encore, de manière assez habile, ses distances avec les franchises télé de Jeph Loeb. Il est bien loin le temps du « It’s all connected »…

En janvier 2019, Marvel Studios annonce avoir confié le boulot de « showrunneuse » sur WandaVision à la scénariste Jac Schaeffer, bien connue de la maison puisqu’elle a déjà posé sa plume sur Captain Marvel et ce Black Widow qu’on finira bien par voir un jour. Comme à son habitude, Feige l’abreuve de comics à lire et lui soumet une idée générale de la trame qu’il souhaite voir développer dans la série, perpétuant ainsi son boulot d’architecte entamé au cinéma. Un rôle de superviseur qui, soit dit en passant, risque de grandement se complexifier dans le futur, vu le nombre insensé de titres annoncés par le studio (pas moins de 11 films et 14 projets télé sur trois ans).

Pour WandaVision, Feige suggère à Schaeffer l’idée de projeter Wanda et Vision dans une petite ville de banlieue idyllique, et d’enrober le tout d’un habillage inspiré des sitcoms de ces dernières décennies (un genre dont il est, murmure-t-on, particulièrement fan). Grosso modo, le « pitch » qu’il lui fait à l’époque (et qui transpirera très vite des premières bandes-annonces) est un mélange entre l’arc House of M des comics (où Wanda crée une réalité alternative dans laquelle elle est mariée à Vision, et a deux enfants) et, sur un plan plus visuel, l’arc Vision de Tom King (où Vision coule des jours heureux avec sa petite famille dans une bourgade des États-Unis). Deux sources d’inspiration importantes pour Schaeffer, auxquelles viendront s’ajouter quelques idées qu’elle ira piquer d’une part à Thor: Ragnarok (pour le côté humoristique et décalé) et d’autre part, comme on peut s’en douter, à Legion, première série à avoir démontré qu’on pouvait traiter des superhéros autrement, sans avoir peur de flirter parfois avec l’absurde et l’excès visuel.

WandaVision

Pietro ? Peter ? Fietro ? Ralph ? Mephisto ? (Notez au passage le clin d’œil bienvenu aux costumes iconiques des comics).

It’s (finally) all connected!

Chronologiquement, les événements de WandaVision se déroulent trois semaines après Avengers: Endgame mais, plus important, Feige annonce qu’ils mettront également en place l’intrigue du prochain Doctor Strange In the Multiverse of Madness. Une précision de taille qui ne sera pas sans conséquence sur l’activité des spéculateurs en tout genre, votre humble serviteur en tête. Savoir que ces séries Disney+ vont interagir de manière très concrète avec les films, voilà qui met instantanément du baume au cœur des fans déçus par l’absence de ce type de connexions avec Agents of SHIELD ou les productions Netflix. Cela étant, Feige insiste : il ne sera pas nécessaire d’avoir vu le reste du MCU pour comprendre la série. Mais d’ajouter, un sourire en coin, que ce sera clairement plus gratifiant si on a les bases. On s’en doutait un peu et, très franchement, ça nous va très bien : on est habitué depuis le début à cette notion d’univers cinématique et de films à tendance épisodique, c’est même pour la plupart d’entre nous une des raisons principales de notre affection pour le MCU. Avoir enfin l’occasion de suivre en première ligne des personnages d’ordinaire relégués au second plan, c’est sans conteste une perspective qui emballe. Reste à voir comment tout ça va se concrétiser. Comme je le signalais un peu plus haut, les débuts vont être un poil difficile, et la série va quelque peu galérer à convaincre l’intégralité de sa « fan base ».

Il faut dire que Marvel Studios n’hésite pas pour le coup à prendre des risques, en proposant non seulement un cadre inédit et un traitement inattendu, mais aussi en déroulant sa trame sur le mode « slow burn » comme disent les Anglo-Saxons, c’est-à-dire en prenant bien son temps. Un choix conscient de troubler le public, et de l’amener à se poser des questions sur ce qu’il est en train de regarder, tout à l’honneur de Feige et sa bande, qu’on a souvent accusés de reproduire la même formule éprouvée et éculée. Et puis surtout, c’est complètement raccord avec la thématique de la série, qui tourne principalement autour du deuil, et plus spécifiquement, traite de son impact destructeur quand il est mal géré, le tout dans un contexte super-héroïque qui amplifie encore son retentissement.

WandaVision

L’arrivée de Spectrum dans le MCU, sous les traits de l’excellente Teyonah Parris, présage du tout bon pour le film Captain Marvel 2 et la minisérie Secret Wars.

Flux tendu, toujours

Initialement prévue pour tenir sur dix épisodes, oscillant entre 30 et 50 minutes, WandaVision sera finalement réduite à neuf, avant tout pour des raisons de rythme. C’est d’ailleurs l’avantage de ces nouveaux formats proposés par le streaming par rapport à la télé de papa : offrir ce genre de flexibilité sur le produit final, et se débarrasser de contraintes finalement abstraites, comme l’obligation de se caler sur 13 ou 22 épisodes, ou encore de respecter des durées figées (par exemple les sacro-saintes 26 minutes délimitant habituellement le format « sitcom »). Une plus grande liberté et une marge de manœuvre étendue qui complètent harmonieusement le processus en flux tendu cher à Marvel Studios, et qui lui permettent d’affiner ses créations jusqu’à la dernière minute, ou presque (à titre d’exemple, l’ultime épisode la série fut finalisé à peine dix jours avant sa diffusion programmée).

Le tournage de la série démarre en novembre 2019 (juste avant le début de la pandémie), sous la tutelle de Matt Shakman, vétéran de la télé qui a notamment roulé sa bosse sur des petites productions relativement méconnues, comme Game of Thrones, Fargo, ou encore It’s Always Sunny In Philadelphia. Encore un monsieur issu du monde de la comédie (comme les frangins Russo, comme Taika Waititi, comme un paquet de réalisateurs rattachés au MCU), un héritage qui lui confère un avantage certain quand il s’agit de mélanger les genres avec brio. Dans le cas de WandaVision, la difficulté réside dans la nécessité de combiner d’une part le côté drôle et léger inhérent à l’univers des sitcoms, avec le parcours beaucoup plus dramatique de Wanda et sa délicate relation avec la réalité.

WandaVision

Cerise sur le gâteau : WandaVision nous remet une dose de Darcy Lewis. Qui s’en plaindra ?

Fietro et le multivers

Après un tournage de plusieurs mois, quelque peu chamboulé par le méchant coronavirus, la première bande-annonce officielle débarque le 20 septembre 2020 sur la toile. Et le buzz prend instantanément son envol. On se réjouit de l’arrivée de Monica Rambeau, personnage emblématique des comics, et on spécule déjà sur sa potentielle transformation en Spectrum (un soupçon qui se verra confirmé dans la série), on subodore également très vite que le rôle incarné par l’irrésistible Kathryn Hann pourrait être celui d’Agatha Harkness, une puissante sorcière associée à Wanda dans les comics. Et puis surtout, on comprend également assez rapidement que l’intrigue de la série va clairement lorgner du côté de l’arc House of M dont je parlais plus tôt. Et forcément, avec une connexion annoncée avec Doctor Strange 2, un film qui a le mot « multiverse » dans son titre, les esprits s’emballent.

Je ne reviendrai pas sur toutes les théories qui ont animé les fans au fil des épisodes (le thread Geekzone plutôt fourni est là pour témoigner de l’émulsion générale), mais j’insisterai en revanche sur l’intelligence avec laquelle Marvel Studios a su jouer avec ces attentes. L’arrivée d’un Quicksilver à la fin de l’épisode 5, incarné non par Aaron Taylor-Johnson comme ce fut le cas dans Avengers: Age of Ultron, mais par Evan Peters (qui avait assumé le même rôle dans la franchise X-Men de la FOX) va embraser Internet. « Ça y est, les X-Men de la Fox arrivent, c’est l’ouverture du multivers, toutes les franchises vont converger ! » Sauf que non. Au final, Evan Peters s’avérera n’être qu’un quidam, au nom improbable de Ralph Bohner (affectueusement surnommé « Fietro » par Agatha Harkness), mais en attendant, l’effet est réussi : malgré notre connaissance de plus en plus pointue des comics, et notre maitrise affinée de l’analyse des « trailers » et autres annonces, Kevin Feige et sa bande ont réussi à nous berner.

WandaVision

Le tout premier « artwork » publié sur la série. Avouez que ça a de quoi jeter le trouble…

It was Agatha all along!

Qu’on soit ou pas déçu de l’absence de fusion fantasmée avec le « Mutantverse » de la FOX (à titre personnel, je suis ravi que ça ne se soit pas confirmé), on ne peut nier la maitrise absolue des codes dont a fait preuve toute l’équipe derrière la série. Non seulement dans leur représentation des sitcoms des différentes époques, clairement plus dans l’hommage que dans le pastiche (alors qu’il aurait été aisé de s’en contenter), mais aussi dans la perversion ludique du côté « méta » (autoréférentiel) de la série, de sa maitrise du sous-entendu, et de la manipulation intelligente et créative des attentes du public. Il y aurait tellement de choses à écrire, tellement d’éléments à analyser, je pourrais littéralement rédiger un bouquin entier sur WandaVision, tant l’œuvre est riche et propice à la déconstruction. Qui sait, peut-être un jour…

Oh et je ne serais bien évidemment pas complet si je ne soulignais pas également l’excellent boulot de Christophe Beck (Ant-Man, Ant-Man and The Wasp) à la bande-son, assisté pour les génériques des différentes sitcoms singées par le couple légendaire composé de Robert Lopez et Kirsten Anderson-Lopez, avec qui Beck avait déjà bossé avec succès sur le Frozen de Disney. Un boulot particulièrement délicat puisqu’il s’agissait une fois encore de mélanger les genres, oscillant avec talent entre thèmes musicaux rigolos et moments de tension, parfois de manière à peine perceptible.

Qu’on ait ou pas accroché au délire proposé par Marvel Studios, il faut bien admettre que l’expérience tentée par la série était pour le moins ambitieuse. D’ailleurs, comme je le signalais un peu plus haut dans ce papier, elle a bien failli perdre des gens en route à ses débuts, quand une grande majorité des spectateurs a sincèrement commencé à s’interroger sur ce qu’ils étaient en train de regarder. Mais ça, c’était avant que les choses ne réintègrent finalement le cadre connu du MCU qu’on affectionne depuis 14 ans, dans l’épisode 4.

Sans conteste l’une des meilleures choses jamais sorties des studios Marvel, œuvre profonde, cohérente, intelligente, humaine, touchante et maitrisée, WandaVision a démontré que Feige et ses acolytes avaient encore des choses à dire, ce qui donne du coup encore plus envie de découvrir ce qu’ils nous concoctent pour la suite. Surtout avec des projets potentiellement tout aussi barrés, comme Loki, Eternals ou encore l’improbable Shang-Chi. Sans oublier, bien entendu, l’arrivée prochaine du multivers. Parce qu’au final, contrairement à ce qu’on pouvait attendre, on n’y a pas du tout eu droit dans la série, le concept n’a même pas été effleuré, en dehors peut-être de la scène post-générique où l’on voit Wanda partir en quête de ses enfants disparus. Et on ne va pas se mentir : ce multivers dans le MCU, on l’attend avec une impatience absolument pas contenue.

Et en attendant de pouvoir aller gambader dans le multivers, pourquoi ne pas lire ou relire les autres parties de cette grande saga ? Ou dévorer le Volume 2 des Coulisses du Marvel Cinematic Universe ?


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